Coup double by Adrideo (avril 2008)
(suite) Le lendemain
Kanon s’approcha du temple de la Vierge avec une boule au ventre. Sans son frère, il était beaucoup moins confiant. Enfants, leurs caractères n’étaient pas si différents et il n’avait aucun mal à se faire passer pour Saga… mais maintenant… et puis il avait peur de ce que Shaka pourrait dire sur lui-même. Le chevalier de la Vierge était si distant, si froid… comme inaccessible. Kanon secoua la tête en se disant que tous ces doutes le faisaient un peu trop ressembler à son frère. Il s’avança d’un air résolu vers le temple de la Vierge en s’efforçant de se mettre à la place de Saga.
- Shaka ? lança-t-il entre les colonnes.
- Oui, avance… je ne suis pas loin, lui répondit une voix sereine et lointaine.
Kanon s’avança jusqu’à découvrir son chevalier en sari, méditant tranquillement. Etrangement, Kanon sentit son cœur se serrer à cette vue et une envie brûlante de prendre l’homme le plus proche de Dieu dans ses bras. Mais il s’assit devant lui et ne bougea pas jusqu’à ce que Shaka daigne lui accorder son attention.
- Qu’est-ce qui t’arrive ? lui demanda enfin la Vierge doucement. Tu as l’air agité…
- Euh… je viens en mission diplomatique, tenta Kanon avec un petit sourire.
- Vraiment ? s’étonna Shaka en ouvrant les yeux et en sortant totalement de sa méditation. Et quel genre de mission ?
Kanon se força à garder un visage impassible et à ignorer les beaux yeux posés sur lui. Ce n’était pas sensé influencer Saga ! Le marinas décida de jouer franc jeu. Il avait l’impression que plus le temps passait, et moins il arriverait à se faire passer pour son frère.
- En fait… je viens pour mon frère… Shaka, qu’est-ce que tu penses de Kanon ? lança le marinas à toute vitesse.
- Eh bien…
Kanon retint sa respiration et tenta de rester de glace, malgré la tension qui habitait son corps. Le chevalier de la Vierge allait-il lui révéler qu’il le détestait ? Qu’il ne le trouvait pas à la hauteur de son jumeau ? Ou tout simplement qu’il était un bon ami, rien de plus ? Kanon n’avait pas réfléchi à ce qu’il ferait si Shaka ne partageait pas ses sentiments. Peut-être essaierait-il de trouver quelqu’un d’autre… mais c’était le chevalier de la Vierge qu’il voulait. Il finirait ses jours en vieux garçon…
-Je te trouve courageux et réfléchi à tes heures, et très passionné par ce qui t’intéresse. Tu parles souvent de toi à la troisième personne, Kanon ?
Le général écarquilla les yeux sous le regard interrogateur de son vis-à-vis. Il crut déceler une lueur d’amusement… mais ça ne devait être que son imagination. Kanon s’empourpra brusquement et marmonna :
- Euh, je me suis trompé… je voulais dire Saga… qu’est-ce que tu penses de lui ?
- Et tu te confonds aussi souvent avec ton propre jumeau ?
- Raah c’est bon, ma langue a fourché !!
- Ne te mets pas en colère, ça ne me dérange pas. La prochaine fois, quand tu auras un doute sur ton identité, viens me voir et je t’aiderai, proposa gentiment Shaka avec un doux sourire.
Kanon le fixa un instant, déstabilisé. Etait-il sincère ou se foutait-il carrément de lui ? Mais en voyant le gentil sourire et la couleur pure du regard posé sur lui, Kanon eut des remords sur son stratagème et marmonna une vague excuse avant de s’enfuir en courant du temple. Shaka le suivit du regard, un sourire naissant peu à peu sur ses lèvres au fur et à mesure que Kanon s’éloignait. Lorsqu’il le sentit suffisamment loin, le chevalier de la Vierge eut un léger rire : il n’aurait cru Kanon capable d’une telle bêtise ! Mais que ce puissant général si déterminé pendant un combat fasse preuve de cette naïveté extraordinaire ne le séduisait que plus…
Shaka tourna un regard brillant vers le temple du Bélier. Si son raisonnement était juste, Mû devait se trouver dans la même situation que lui… Et il avait hâte d’entendre les détails. Le tibétain était beaucoup plus machiavélique que lui… Le chevalier de la Vierge souhaita bon courage à Mû à mi-voix et tourna les talons pour rattraper son fuyard. Pour lui, le jeu avait assez duré, même s’il avait été plutôt court.
Quelques temples plus tard, Mû dissimulait à la perfection l’envie de rire qui le prenait aux entrailles. Il avait fait s’asseoir en face de lui le faux Kanon qui, étrangement, lui parlait beaucoup de son frère… si tout comme Shaka, Mû était trop clairvoyant pour confondre les jumeaux, il n’avait pas eu la même clémence que la Vierge. Jouant la carte de la plus profonde crédulité (à tel point qu’il se demandait parfois comment Saga pouvait y croire…), il laissait le Gémeau en face de lui s’embourber dans la situation.
- Donc tu vois… enfin je voulais savoir ce que Saga t’inspirait…
- Oui, et je t’ai dit que je le respectais autant que je l’appréciais, répéta patiemment Mû avec une nuance de légère perplexité dans la voix.
Mû observa avec une tendresse grandissante le pauvre chevalier en face de lui qui se retrouvait dans un cul de sac, incapable de trouver un autre motif à la conversation. Le Bélier aurait pu continuer longtemps le calvaire de Saga en lui posant des questions auxquelles seul Kanon avait les réponses… mais il aimait trop le guerrier qui s’embourbait tout seul pour vouloir le ridiculiser.
- Parce que tu vois… à un moment, je me suis dit… enfin, il m’a dit qu’il pensait que tu le détestais peut-être… continua Saga en sondant les yeux violets en face de lui.
Cette fois, le Bélier fut vraiment surpris. Qu’est-ce qui avait bien pu amener le Gémeau à penser ça ??
- Et pourquoi donc ? demanda Mû en gardant un ton calme et posé.
- Eh bien, parfois il a l’impression… que tu le trouves un peu sot… ou maladroit… et puis peut-être qu’il s’en veut un peu pour ce qu’il a fait… ce qu’il t’a fait, avec la mort de Sion et ton exil, tu vois…
Mû se mordit les lèvres en voyant l’air las de Saga qui ne le regardait plus. Le Bélier sentit son cœur se serrer en réalisant que sa petite farce était allée beaucoup trop loin… il ne comprenait que maintenant que Saga souffrait déjà à son égard, et en plus, il en rajoutait avec son petit jeu !
- Tu… tu as l’air fatigué… souffla Mû. Enfin je veux dire, c’est vrai que Saga a l’air d’être un peu… lassé de tout le monde en ce moment. Peut-être qu’il aurait besoin de s’éloigner du Sanctuaire un moment ? rectifia l’Atlante en sentant son ventre se tordre au fur et à mesure de ses paroles.
- Non, non, bien sûr que non ! s’exclama Saga en relevant la tête. Il va bien, il n’est pas fatigué de vous tous… c’est juste que… je crois que toutes ses questions l’épuisent parfois. Et il aimerait sûrement avoir des réponses, termina fermement Saga en plantant ses yeux dans ceux de Mû.
Le Bélier observa pensivement le regard bleu posé sur lui. Le jeu s’était dissipé, il ne savait pas à quel moment exactement. Mû ne se sentait plus d’humeur taquine, et Saga ne se prenait plus pour Kanon. Ils abordaient là un sujet qui leur tenait particulièrement à cœur.
- Je t’ai détesté pour avoir détruit ma vie, Saga.
Le chevalier des Gémeaux écarquilla légèrement les yeux et resta prisonnier du regard mauve. Les mots de la voix tant aimée résonnèrent à l’infini dans sa tête et son esprit s’engourdit, comme noyé dans un brouillard blanc. Le Grec baissa légèrement la tête, ne pouvant plus supporter le lien entre eux. Toute sa combativité disparut, et en cet instant, il n’avait plus qu’une envie : rentrer dans son temple pour ne plus en sortir.
- Je vais te laisser, murmura-t-il, incapable de dire un mot de plus.
Saga se leva doucement du canapé et se dirigea dans un état second vers la sortie. Tout son cœur, son âme, son corps réclamaient la présence de Mû. Au fur et à mesure que l’idée de l’absence définitive du Bélier s’imposait à lui, il la repoussait de toutes ses forces. Mais le Tibétain avait été clair, il avait détruit sa vie. Pourtant, plus Saga s’éloignait et plus il devait se battre pour ne pas revenir sur ses pas. Juste pour rester avec Mû, juste pour sa présence, son sourire et son odeur. Et ses yeux. Ses mains aussi, pâles et tellement élégantes. Pour ses cheveux qu’il aurait tant voulu caresser. Pour le rire toujours léger qu’il connaissait par cœur mais qu’il voulait découvrir.
Plus il s’éloignait, et plus le besoin vital de Mû se faisait ressentir. C’est pourquoi, lorsqu’une main douce mais ferme attrapa son poignet, instinctivement Saga l’attrapa aussi en retour et tira contre lui le corps chaud et souple qui soudain lui manquait tellement. Le Bélier n’avait pourtant rien dit, mais ce contact bref était sa drogue. Saga ferma les yeux en sentant sa douleur disparaître et il respira doucement l’odeur subtile que Mû dégageait. Il serra le corps contre le sien comme si sa vie en dépendait. Maintenant il se sentait complet.
- C’était avant de tomber amoureux de toi, chuchota une voix douce à son oreille.
Saga sentit des bras se refermer dans son dos et resta immobile. Mû sentait des larmes envahir ses yeux. Il réalisait maintenant à quel point il avait été cruel avec le Gémeau et il s’en voulait tellement… Il ne comprenait que maintenant les tourments de son chevalier, mais comment avait-il pu être aussi aveugle ? Il aurait dû comprendre qu’être un ancien dictateur était dur à assumer… un ancien assassin. Saga était passé du statut de chevalier adoré par les apprentis et respecté par ses pairs, à celui de monstre sans cœur et de meurtrier craint et haï par tous. Lorsque les larmes coulèrent sur les joues du Bélier, celui resserra aussi son étreinte autour du corps tendu.
- Pardon, Saga… j’aurais dû venir te parler… je ne savais pas. Je suis désolé… je ne t’en veux plus du tout, tu m’entends ? Oublie ce fichu passé, plus personne ne t’en veut…
Mû sentit son souffle se couper lorsque Saga laissa son cosmos se révéler à lui. Le Bélier n’arrivait pas à respirer, frappé d’horreur en sentant toute la culpabilité, le remords, la honte et le mépris pour lui-même qui rongeaient le cosmos si noble.
- Arrête ! s’écria Mû en repoussant Saga. Arrête ça !!
Le Bélier captura le visage du Gémeau entre ses mains chaudes et chercha le regard bleu du chevalier fatigué.
- Pour qui me prends-tu ?? Jamais je ne laisserai un monstre s’emparer de mon cœur, jamais ! Tu es quelqu’un de bien, Saga, tu m’entends ? Arrête de t’en vouloir, s’il-te-plait… ça me fait mal… crois-moi, tu es quelqu’un de bien… crois-moi, je t’en prie…
Sa vue se brouilla sous les larmes, et Mû se tut, à court de mots pour la première fois depuis longtemps. Il ne savait plus comment montrer à Saga qu’il était bon. Pour lui, c’était l’évidence même… alors comment le lui faire comprendre ? En sentant le cosmos contre le sien se calmer un peu, le Bélier sut instinctivement ce qu’il devait faire. Sans cesser de fixer les yeux bleus, Mû envoya directement dans l’esprit de Saga ses propres pensées, ses sentiments, ses visions du Gémeau. Il lui fit ressentir sans la barrière des mots tout ce que le Gémeau lui inspirait, et ne fit pas attention à l’expression de surprise qui se peignait peu à peu sur les traits du chevalier. Mû lui montra tout ce que Saga occultait dans l’ombre de ses mauvais côtés… son courage de revenir en tant que renégat… sa volonté de combattre son mauvais côté… sa gentillesse, sa patience, sa bravoure…
Mû eut un léger sourire en sentant le cosmos de Saga redevenir peu à peu lui-même, tandis qu’il se redécouvrait. Il devina plus qu’il ne vit le sourire naissant du chevalier, et se laissa attirer de nouveau dans les bras de celui qu’il aimait.
Ils restèrent longtemps ainsi, enlacés au milieu du temple du Bélier, Mû continuant à cicatriser doucement les blessures cachées de Saga en lui montrant qui il était vraiment. Une paix sereine avait depuis longtemps calmé Saga, et celui-ci, un sourire aux lèvres, continuait à profiter de l’étreinte autour de lui.
- Ca fait longtemps ? murmura Saga entre les mèches parmes sous ses lèvres.
Mû ne répondit pas et se contenta d’enfouir un peu plus son visage dans le cou de son aîné.
- Sûrement autant que moi, sourit le Gémeau en se répondant à lui-même.
Il resserra un peu sa prise, savourant simplement son manque comblé par la présence du Bélier. Etant plus grand que lui, Saga redressa un peu le visage et vint appuyer son menton sur la tête de Mû qui cala tout naturellement sa joue contre la gorge chaude de son vis-à-vis. Le Grec ferma paisiblement les yeux et lâcha un gros soupir satisfait.
- Merci Mû.
- Ne me remercie pas trop vite.
Saga rouvrit des yeux surpris en sentant le corps contre le sien disparaitre et une main le tirer en avant pour sortir du temple du Bélier.
- Mais où est-ce qu’on va ? demanda Saga, un peu pris au dépourvu.
- Au temple de la Vierge… je veux voir comment Kanon s’en sort ! Enfin, je veux dire Saga… pouffa Mû en lui lançant un regard narquois.
Saga piqua du nez, un peu penaud, et le suivit sans plus protester. En plus, il aurait bien aimé rester un peu plus longtemps avec son Bélier… la dernière chose qui l’intéressait pour le moment, c’était son frère et Shaka. L’espace d’un instant, il se demanda si ce n’était pas une tactique de diversion de la part de Mû… Non, impossible, il ne pouvait pas être timide au point de vouloir repousser l’instant où Saga allait réclamer son baiser ? Quoique… Le Gémeau eut un sourire discret et attendri.
Quelques minutes plus tard, les quatre chevaliers étaient réunis dans le salon de Shaka, et les chevaliers de la Vierge et du Bélier se retenaient avec beaucoup de mal de rire. Saga et Kanon, en face d’eux, avaient l’air un peu confus et ennuyés, d’autant plus que ni l’un ni l’autre n’avaient envie de converser pour le moment… ils avaient d’autres idées en tête !
- Je suis presque déçu que notre marathon soit fini, déclara Shaka pensivement. En plus, il a été plutôt court, j’aurais bien voulu m’amuser encore un peu…
- Oui, nous nous sommes enlevé tout le suspens, soupira Mû. Comment ça s’est passé pour toi ?
- Oh, comme je l’avais imaginé… bien sûr, il est arrivé en se faisant passer pour son frère, et je l’ai tout de suite compris…
- Idem…
-Mmm pas très doués. Et ensuite…
Saga et Kanon échangèrent un regard mécontent. Leurs amoureux respectifs étaient tout simplement en train de se moquer d’eux !
- J’ai l’impression qu’ils nous mènent en bateau depuis le début, chuchota Kanon à l’oreille de son frère.
- J’en ai bien l’impression aussi… répondit Saga sur le même ton en fronçant les sourcils.
- Pourquoi a-t-il fallu qu’on tombe amoureux des deux chevaliers les plus sadiques du Sanctuaire ? gémit Kanon en se laissant retomber sur le dossier du canapé.
- M’en parle pas !
A cet instant, les jumeaux eurent le souffle coupé au même moment. Shaka et Mû cessèrent soudainement leur conversation et tournèrent les yeux vers leurs amants respectifs, un même sourire mutin aux lèvres. Tout dans leurs regards traduisait à la fois la tendresse et l’amusement. Shaka avait un bras posé sur le dossier, près de l’épaule de Mû, et celui-ci avait replié une jambe sous l’autre.
- Des réclamations ? demandèrent les deux chevaliers exactement en même temps, en les regardant presque de haut avec le même sourire narquois.
Saga et Kanon restèrent muets quelques secondes, avant que le même sourire ne se dessine sur leurs lèvres.
- Parfois, j’ai l’impression qu’ils se ressemblent plus que nous nous ressemblons, murmura Saga.
- On leur fait nos réclamations, frère ?
- C’est eux qui l’ont demandé… répondit le Gémeau tandis que son sourire s’étirait.
A eux de mener la barque, à présent. Les jumeaux se levèrent dans un même mouvement, lentement et sensuellement. Leurs yeux ne quittaient plus ceux de leurs futurs amants qui les laissaient approcher, un sourire amusé aux lèvres. Mais Saga et Kanon ne souriaient plus. Ils contournèrent la table basse, chacun de leur côté, et s’avancèrent tout doucement vers leurs amoureux respectifs. En cet instant, tant qu’ils ne parlaient pas, Shaka et Mû auraient été bien incapables de dire qui était qui. Les jumeaux s’arrêtèrent devant eux, et dans une synchronisation parfaite, posèrent leurs mains contre le dossier de chaque côté du visage de leurs proies, pour se pencher en même temps vers les lèvres tentatrices.
Mû et Shaka avaient perdu leurs sourires, fascinés par l’instant unique dont ils étaient à la fois témoins et acteurs. Ils avaient réussi à sortir la même phrase au même moment grâce à la télépathie, mais rien n’était organisé à l’avance chez les jumeaux. Sans se regarder, ils eurent pourtant la même pensée : allaient-ils recevoir leur premier baiser de Saga et Kanon côte à côte ? Ils étaient très proches, certes, mais pas aussi intimes… Leurs joues se colorèrent un peu au même moment, et ils commencèrent à vouloir se lever pour faire chambre à part. Mais les jumeaux au-dessus d’eux, un même sourire énigmatique aux lèvres, n’avaient pas la même idée et ne bougèrent pas d’un pouce, ne permettant pas à leurs amants de se lever. Comprenant leur intention, Mû et Shaka échangèrent un regard gêné juste avant que deux mains calleuses ne leur attrapent le menton pour les rediriger vers leurs amants respectifs.
Ils avaient bien compris le message… c’était au tour des jumeaux de mener la danse.
- A quoi vous jouez ? murmura Mû, un peu mal à l’aise.
- On ne va pas… protesta à son tour Shaka.
- Nous ne jouons pas, coupa Saga, le regard hypnotisé par les douces lèvres qui venaient de parler.
- Et si, on va, acheva Kanon avec un sourire tendre en effleurant gentiment la joue de son chevalier.
Mû et Shaka poussèrent un soupir de résignation de concert, comprenant que les jumeaux, eux, étaient suffisamment proches pour avoir leurs premiers baisers ensemble. Les deux chevaliers retrouvèrent leurs sourires devant les conditions imposées, entourèrent le cou de Saga et Kanon au même moment et les attirèrent à eux fermement.
A partir de là, personne ne sut si les baisers des jumeaux étaient les mêmes ou non. Saga avait pris le loisir d’enfermer la nuque de Mû dans sa main pour l’empêcher de s’échapper, même si c’était la dernière chose que voulait le Bélier, et Kanon frissonnait en sentant les mains de Shaka s’enfoncer dans ses boucles bleues épaisses pour l’attirer davantage à lui. Les baisers s’arrêtèrent au même moment, et les amoureux restèrent plongés les yeux dans les yeux sans rien dire, un même sourire satisfait aux lèvres.
Mais la présence de l’autre couple se rappela soudain à leur esprit. Si Kanon et Saga n’étaient pas vraiment dérangés, Shaka et Mû rougirent instantanément sous les regards amusés de leurs amants.
- Bon d’accord, à partir de là, c’est chacun de son côté, avertit Mû en plissant les yeux.
- Bien sûr, petit mouton, tu as vraiment un esprit mal placé, s’étonna Kanon avec un grand sourire.
Mû lança un regard désespéré à Shaka, lequel lui répondit en haussant les épaules.
- Qu’est-ce que tu veux, c’est ça quand on les prend sauvages… soupira la Vierge sous les regards perplexes de Saga et Kanon.
- Moui, maintenant il faut les dresser, poursuivit Mû avec un faux air blasé.
- La prochaine fois, on les prendra en magasin, on court moins de risques.
- Enfin, au moins ils ont le poil soyeux… murmura Mû avec un sourire en effleurant les mèches bleus de son amoureux.
- Et la truffe humide, ils sont en bonne santé, affirma la Vierge en passant une main affectueuse sur le visage de Kanon.
Un silence plana, pendant lequel des sourires vengeurs apparurent sur les visages de Mû et Shaka, puis Saga et Kanon comprirent en même temps et échangèrent un même regard. Le marina tira les poignets de l’hindou et le chargea sur son épaule comme un sac à patates, ignorant son cri indigné. Mû commença à rigoler devant la scène sans chercher à aider son ami, juste avant que Saga ne fasse la même chose avec lui, l’attrapant comme une mariée, bras passés sous ses genoux et dans son dos.
- Au travail petit frère ! s’exclama Saga en se dirigeant vers le temple du Bélier, un grand sourire aux lèvres.
- Bon courage ! lui lança Kanon. Moi au moins je n’ai pas trop de marches à descendre…
- Attends une minute, Saga, tu as l’intention de descendre la moitié du Sanctuaire en me portant comme ça ?? s’exclama Mû, les yeux plissés. Lâche-moi tout de suite !
- Eh non, tu n’avais qu’à prendre ton amoureux en captivité, se moqua Saga en raffermissant sa prise sur le corps du Bélier pour l’empêcher de s’échapper.
Les jumeaux, sourds aux protestations de leurs amoureux, commencèrent à se séparer avec de grands sourires anticipateurs. Alors que Mû allait atteindre la sortie et Shaka la porte de sa chambre, les deux chevaliers d’or échangèrent un regard entendu. L’instant d’après, Saga et Kanon se retrouvaient suspendus dans les airs, tête en bas devant Mû et Shaka qui les regardaient sévèrement, les bras croisés.
- Oh allez, ne boudez pas, on rigolait !! geignit Kanon en tentant de se rétablir vainement.
- Et puis c’est vous qui avez commencé ! protesta Saga à son tour.
- Nous sommes un peu capricieux, admit Shaka. Mû, tu veux bien… ?
- Mais avec plaisir, affirma le Bélier avec un gentil sourire.
Si l’espace d’un instant, Saga et Kanon crurent sincèrement à leur libération, ils furent vite déçus.
- Crystal Net !
Shaka et Mû se dirigèrent vers la sortie du temple paisiblement, tournant le dos à leurs amoureux éberlués et collés à une grande toile.
- Une partie de go, ça te tente ?
- Pourquoi pas… d’ailleurs, j’ai reçu un nouveau thé, tu m’en diras des nouvelles.
- J’espère qu’il est moins fort, parce que sans sucre…
- A qui la faute ?
- Héééé, attendez !! Vous n’allez pas nous laisser là, quand même ?? protestèrent Saga et Kanon d’une même voix.
Shaka et Mû s’arrêtèrent en même temps, se retournèrent lentement et fixèrent leurs amants droit dans les yeux, un sourire narquois aux lèvres.
- Vous voulez parier ? murmurèrent-ils en même temps.
Et ils sortirent du temple. Saga eut un soupir résigné et se tourna légèrement vers son frère.
- Ca commence dans la tendresse et la romance, hein ?
- Oui, je sens qu’on va en baver, soupira Kanon. Bon… on les rejoint ? demanda-t-il avec un sourire soudain.
- Après toi.
Les jumeaux se libérèrent sans trop de soucis de la toile que Mû avait lancé sans y mettre toute sa puissance. Ils se mirent en marche immédiatement, heureux comme jamais.
- C’est bien, hein ? murmura Kanon, un sourire un peu niais aux lèvres en songeant à son chevalier qui l’attendait.
- Ouais, c’est bien…. répondit Saga sur le même ton, avec le même sourire que son frère.
Incapables d’une discussion plus évoluée, Kanon et Saga rejoignirent sereinement leurs amoureux qui les attendaient gentiment à quelques mètres de la sortie du temple. Ils furent un instant éblouis par la transformation : il y a quelques minutes, ils faisaient face aux chevaliers d’or d’Athéna qui les remettaient à leur place, et maintenant Mû et Shaka les regardaient venir, un même doux sourire aux lèvres, comme pour se faire pardonner. Perdus dans leur propre contemplation, Kanon et Saga s’avancèrent lentement jusqu’à leurs amoureux baignés du soleil couchant et vinrent les enlacer.
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