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''Etroite collaboration'' by Ariesnomu / Mu Saga 4 ever (octobre 2008) Chapitre 5 : Rendez-vous (suite) Ils discutèrent de choses et d'autres en chemin et un peu avant d'arriver à son temple, Saga demanda innocemment s'ils allaient se baigner ce soir. Mû répondit qu'ils allaient juste faire trempette pour permettre à Minos de décontracter et rééduquer ses muscles tout en douceur et lui demanda s'il voulait les accompagner. N'attendant que cela, Saga accepta l'invitation de Mû à se joindre à eux avec joie, adressant au passage un sourire victorieux au Juge. Deux partout, si l'on reprenait les comptes là où ils avaient été laissés, à savoir au massage prodigué par le bélier au griffon la veille au soir. Minos ne dit rien mais n'en pensa pas moins. C'est que le fichu schizo avait décidé de lui pourrir sa journée complète ! Non content de s'être incrusté pendant toute leur journée de travail et de les avoir invités à manger à midi, maintenant, il venait en plus s'immiscer dans ce petit moment de détente qu'ils allaient s'accorder. Il fallait vraiment qu'il trouve un moyen de l'écarter, celui-là. Et définitivement. D'ailleurs, après avoir félicité son rival pour son efficace collaboration et fait l'éloge des pouvoirs de Mû qui leur avait permis de travailler tous les trois aussi activement, il demanda innocemment s'il était nécessaire que le gémeau se joignît à nouveau à eux le lendemain puisqu'ils avaient fait le tour de tout ce qu'il avait vu et vécu en Egypte, arguant de plus que leurs études et recherches à trois avaient particulièrement sollicité Mû, qui avait dû lier leurs esprits à tous les trois durant toute la journée ou presque. Mû était effectivement bien fatigué mais répondit de sa voix douce et claire qu'une bonne nuit de sommeil lui suffirait amplement pour retrouver toute son énergie et que cela avait au contraire constitué un excellent exercice. Saga quant à lui répliqua qu'il n'avait pas de raison en effet de revenir le lendemain, mais que les recherches ayant considérablement avancé, le griffon pourrait ainsi retourner plus rapidement chez lui. Ce sur quoi Minos rétorqua qu'il devait encore prendre en copie pas mal de documents et qu'il était décisionnaire de ce qu'il convenait de rapporter pour la bibliothèque de son Seigneur et maître Hadès. Sentant l'échange prendre une tournure de pugilat, Mû intervint pour changer de sujet et comme ils arrivaient bientôt à la petite plage, la conversation qui commençait à devenir tendue en resta là. Mais pas Saga. Prétextant généreusement s'inquiéter de la santé du griffon et afin que celui-ci ne succombât pas à la tentation de se mesurer à lui à la nage et se blessât à nouveau de manière inopportune, Saga décida de ne pas se baigner et proposa à Mû de poursuivre leur discussion pendant que Minos se détendrait dans l'eau. Il était vrai que le Juge n'avait pas besoin de lui pour cela, mais toujours prévenant, Mû lui demanda si ça irait et n'ayant aucun argument à objecter, celui-ci dut reconnaître qu'il pouvait très bien se baigner tout seul. Bien qu'il eût préféré faire trempette avec le bel Atlante, ayant revêtu à cet effet son quasi-string de bain. Mû et Saga s'assirent donc sur le sable face à la mer pour discuter tranquillement, tandis que le Juge se dirigeait vers le bord de l'eau en les observant à la dérobée. Le griffon les surveilla du coin de l'oeil tout en effectuant ses longueurs. Il voyait vraiment d'un très mauvais oeil le gémeau se rapprocher du bélier, lequel semblait plutôt apprécier la compagnie du stupide schizo. Peut-être n'était-ce qu'une simple politesse de façade ou une banale discussion entre confrères, mais si Mû ne montrait rien de ses sentiments, il était clair cependant qu'il avait de l'admiration pour le gémeau et appréciait sa conversation, qui, il devait le reconnaître, était fort intéressante, compte tenu de son expérience. Les paroles d'Eaque revinrent en mémoire à Minos, et celui-ci ne resta donc pas longtemps dans l'eau pour ne pas les laisser ensemble trop longtemps. Le bélier était sa chasse gardée et il avait bien l'intention de passer la vitesse supérieure ce soir. Et surtout de se débarrasser du gémeau, d'une façon ou d'une autre, dont la présence se faisait de plus en plus encombrante. Il fallait qu'il trouve un moyen, et vite... Le stupide schizo avait eu tout le temps de se rapprocher du bélier auparavant mais ne l'avait jamais fait, et c'était maintenant qu'il se décidait, en s'accrochant comme un morpion, de surcroît ? Mais quel mauvais joueur... Enfin, il les laisserait tranquilles au moins pour ce soir et le lendemain à la bibliothèque par la force des choses, mais qui sait s'il n'allait pas à nouveau les inviter à manger à midi et pire, s'incruster en soirée ? Une serviette apportée par téléportation se présenta devant lui alors qu'il sortait de l'eau, rompant ses pensées et lui réchauffant le coeur un bref instant, et Minos sourit en voyant l'expression contrariée du gémeau devant la prévenance et la sollicitude du jeune Atlante à son égard, qui s'était juste rendu compte que dans le feu de la conversation, ils avaient complètement oublié de s'arrêter à son temple pour prendre une serviette de bain pour le griffon. Celui-ci ne put toutefois s'empêcher d'en rajouter une couche en ne tarissant pas d'éloges sur ces petits gestes attentionnés du bélier et ses pouvoirs atlantes bien pratiques au quotidien, qui allaient bien lui manquer lorsqu'il partirait. Il prit même un malin plaisir à déclarer que l'eau était vraiment agréable ici, et que bien qu'étant habitué aux eaux froides de sa Norvège natale, il commençait à se faire à cette plage et à ses eaux turquoises qu'il ne lui déplairait pas de revenir fouler à tout moment, surtout si Mû était là pour lui apporter sa serviette de bain de cette façon si plaisante et tellement exotique. Puis il se sécha et se rhabilla rapidement, et ils remontèrent tous les trois en discutant aussi tranquillement que possible jusqu'à la première maison, où ils se séparèrent sur le seuil du temple du bélier, laissant Saga remonter vers le sien. Minos alla se doucher pour se débarrasser du sel de la mer tandis que Mû se téléportait un bref moment à Rodorio, pour aller acheter dans un petit restaurant côté du village deux bouteilles de vin pour Aldébaran. *** Saga rentra dans son temple, épuisé par sa journée mais heureux. L'introspection et l'intense concentration qu'elle avait nécessité l'avait éreinté, aussi bien nerveusement que physiquement, mais il était véritablement heureux. Tellement qu'il revécut en accéléré toute la journée écoulée, le coeur léger et guilleret. Mû avait sondé son esprit et sa mémoire. Mais Mû avait respecté son intimité en se limitant aux seuls souvenirs utiles à leurs recherches en cours. Et Mû l'avait touché de sa douce cosmo-énergie enveloppante et rassurante. Et Mû l'avait porté de son aura puissante et réconfortante lorsqu'il s'était senti défaillir sous l'effort. Et surtout Mû avait montré beaucoup d'intérêt à travailler avec lui. Et Mû avait mangé avec lui. Et Mû avait été touché par le thé au beurre salé. Et Mû avait aimé discuter avec lui. En résumé, Mû avait apprécié sa compagnie. Comme Kanon le lui avait dit. Oubliant complètement le griffon et même la teneur de leurs travaux et jusqu'à sa propre expérience en Egypte, il alla se doucher, le coeur gonflé de joie, ne pouvant s'empêcher de voir danser devant lui de grands yeux mauves qui le regardaient avec douceur et intérêt alors que le jet d'eau tiède cascadait sur ses épaules et s'écoulait doucement en caressant suavement ses pectoraux et ses abdominaux, lui rappelant presque la douce sensation de l'aura du bélier autour de lui et de son psychisme serein et apaisant effleurant délicatement son esprit. Il se laissa bercer par l'exquise sensation en fermant les yeux, se remémorant avec tendresse l'infinie délicatesse avec laquelle Mû était entré dans son esprit et l'avait patiemment guidé, le réchauffant de sa douce cosmo-énergie puissante et rassurante, l'épaulant et le soutenant fermement et tendrement à la fois dans l'effort , ses mains si près de son visage qui l'encadraient et qui à un moment avaient effleuré sa peau de leur contact suave... Il resta un long moment sous le jet d'eau à se détendre en revoyant un beau regard mauve tour à tour scintiller au fil d'une conversation, s'agrandir de surprise devant une interrogation, s'intensifier ou se remplir d'inquiétude pour lui et s'éclairer devant un thé au beurre salé, thé qu'il avait emprunté à Shion le matin-même à l'issue de son entrevue avec lui. Ce n'avait été qu'une simple petite attention qui avait surpris le grand Pope, lui aussi, et apparemment, elle avait beaucoup touché le jeune et tendre bélier. Enfin, il sortit de la salle de bain avec un sourire béat gravé sur le visage, détendu et de meilleure humeur que jamais et traversa le salon. Il perçut un bruit furtif en provenance de la cuisine et crut que c'était son frère qui était rentré et préparait déjà le repas. Il sourit tendrement et se dirigea vers la cuisine, d'humeur taquine et prêt à chahuter gentiment son jumeau mais à sa grande surprise, il n'y trouva personne. Un bruissement de papier se fit entendre de la fenêtre entrouverte et une enveloppe s'engouffra dans la cuisine en tournicotant, portée par le vent chaud, voletant légèrement pour finalement se poser doucement sur la table au milieu de la pièce. Surpris, Saga se précipita vers la fenêtre qu'il ouvrit en grand et s'y pencha, regardant dans toutes les directions, mais il ne vit personne dans les environs. Seuls s'offraient à sa vue le paysage désertique, sec et rocailleux qui lui faisait face et l'imposant temple du taureau en contrebas dans la chaleur étouffante qui remontait du sol pierreux. Il étendit promptement son cosmos à la recherche de toute personne alentour mais ne perçut pas davantage de présence humaine. Un bruissement d'ailes au-dessus de lui lui fit lever les yeux, pour ne voir qu'un vulgaire corbeau qui s'éloignait à tire d'ailes de son vol gauche et peu majestueux, comme si sa silhouette caractéristique et ramassée fendait péniblement l'air. Perplexe, Saga se retourna et regarda l'enveloppe qui s'était posée sur la table. Il la retourna et écarquilla les yeux de surprise en constatant qu'elle portait son nom, apposé d'une élégante écriture manuscrite. Intrigué, Saga ouvrit la missive et resta interdit en en découvrant le contenu : "Si tu veux terminer ce qu'on a commencé hier, je propose qu'on se retrouve cette nuit à 1 h derrière le village... Celui qui perd laisse l'autre tranquille pour ce que tu sais. Minos" Quoi, le stupide griffon lui donnait rendez-vous pour un... duel ? Un instant, il crut halluciner. Il n'en avait donc pas eu assez la veille ? Il pensait être suffisamment puissant pour être totalement remis de ses blessures et être capable de se mesurer à lui à nouveau ? Quel petit prétentieux... Mais après tout, Saga avait bien envie de lui régler son compte, à ce Juge présomptueux et orgueilleux. Et puis, si cela pouvait mettre un terme à ces stupides tentatives du griffon de séduire le bélier, il n'allait pas s'en priver. Oui, ils allaient régler ça, d'homme à homme... Quitte à l'envoyer dans une autre dimension dont il ne reviendrait qu'après l'avoir supplié. A genoux... *** Minos et Mû arrivèrent chez Aldébaran avec les deux bouteilles de vin et eurent la surprise de découvrir une chaleureuse ambiance tamisée en entrant dans la pièce principale du deuxième temple, où la table trônait près de la cheminée à la lueur de deux rangées de bougies dressées de part et d'autres sur des chandeliers et était décorée d'une très jolie nappe blanche aux motifs fleuris stylisés, sobres mais élégants, dans des tons lilas et verts pastels des plus harmonieux. Des serviettes assorties artistiquement pliées en forme de lys reposaient dans les verres à pied à côté d'une double rangée d'assiettes très design et de couverts en argent, et chaque extrémité de la table était ornée de plantes décoratives aux couleurs chatoyantes sous la lumière dansante des bougies. Le tout était surmonté de tentures aux couleurs chaudes artistiquement drapées autour des colonnades et nouées de rubans au-dessus de la table. Le taureau avait sorti le grand jeu, mettant les petits plats dans les grands et avait sorti les chandelles, qui éclairaient joliment la table en diffusant une lumière douce et ondoyante agrémentée d'un léger parfum subtilement fleuri et épicé à la fois, qui embaumait toute la pièce de fort agréable manière. Le brésilien apparut en tablier dans l'encadrement de la porte de la cuisine et les accueillit avec sa bonhommie coutumière, les invitant à prendre place sur le canapé et les remerciant pour le vin qu'il mit immédiatement au frais. Il avait un goût prononcé pour la bonne cuisine et sous ses apparences de colosse un peu rustre, il était un véritable cordon bleu, raffolant des mets épicés et colorés de la cuisine sud-américaine qu'il aimait enrichir de nouveautés de son crû, en adepte inconditionnel de la cuisine fusion, qu'il avait plaisir à partager avec ses compagnons d'armes. Ainsi était-il en train de mettre la dernière touche au dessert, un succulent gâteau aux carottes nappé de chocolat, parsemé de gingembre râpé et décoré de fines tranches d'orange confite, tandis que sur la gazinière mitonnait dans un doux murmure une délicieuse farofa, le plat d'accompagnement traditionnel du Brésil, qu'il avait réalisé à base de semoule de manioc frite dans du beurre et relevée de maïs, de bacon, de petits oignons et saupoudrée de persil, coriandre et basilic. Elle était destinée à accompagner un copieux churasco de boeuf, de travers de porc et de morceaux de poulets marinés dans du miel et du vinaigre de Xérès, qu'il allait faire griller sur des brochettes au barbecue sur le rebord de la fenêtre de la cuisine, afin de ne pas indisposer davantage le malheureux griffon déjà fort incommodé par la chaleur ambiante. Dommage, il aurait volontiers allumé un feu de cheminée pour ajouter à l'ambiance romantique qu'il avait décidé de créer pour ses deux invités et qui aurait servi à braiser la viande à même le feu. Mais d'un autre côté, cela lui donnait un prétexte parfait pour s'éclipser et laisser ainsi en tête-à-tête les deux futurs tourtereaux à la lueur des chandelles, pendant qu'il cuirait les brochettes dans la pièce d'à côté. Il baissa le feu sous une deuxième casserole qui distillait déjà de subtils arômes épicés. C'était la petite sauce piquante qu'il avait préparée pour assaisonner la viande, ayant fait revenir oignons, échalottes et tomates, mouillés de vin blanc et finement relevés de petits piments rouges. Pas trop, quand même, histoire de ne pas transformer le griffon en dragon. Mû était déjà un peu habitué, mais il ne savait pas comment le norvégien allait réagir, et à l'évidence, il n'avait pas besoin de stimulant de toute façon pour la fin de la soirée... En apéritif, il leur proposa un cocktail typique de son pays, une caïpirinha bien frappée à base de cachaça, l'alcool de canne à sucre de chez lui, et de citron vert, qu'ils dégustèrent en grignotant des amuse-gueules sortant du four, encore tout croustillants et légèrement parfumés à la citronnelle, au curcuma ou au gingembre (j'avoue, j'aime cuisiner ! ;D). Véritablement impressionné, Minos complimenta le taureau pour ses talents culinaires et le remercia de toute la peine qu'il avait prise pour les recevoir. Ils discutèrent tranquillement tous les trois en sirotant leur boisson, confortablement installés dans les canapés à angle droit, et Mû et Minos purent informer Aldébaran en avant-première de l'avancée de leurs recherches. Puis le maître des lieux leur proposa de passer à table, leur servant un guarana des plus rafraîchissants pour patienter, le temps que la viande cuise. Mû lui proposa son aide pour surveiller et retourner les brochettes mais Aldébaran refusa tout net, arguant qu'ils étaient ses invités et leur intima de rester bien sagement attablés dans le salon, ce qui ne fut pas pour déplaire au griffon, d'autant que sur les injonctions du taureau, lui et Mû étaient assis face à face et il avait ainsi tout loisir de contempler et faire du charme à son compagnon de table. A défaut d'être encore son compagnon tout court. Ce qui ne saurait plus tarder. Car l'ambiance tamisée soigneusement mise en scène par Aldébaran créait incontestablement une atmosphère romantique propice aux regards intenses et séducteurs, dont il comptait bien tirer parti. La lueur orangée des bougies baignait leurs visages d'une douce lumière chaude et veloutée qui leur conférait une aura particulière en n'éclairant qu'une partie de leurs visages opalins à l'ovale parfait, plongeant dans une ombre dansante et mystérieuse leurs traits fins tour à tour dévoilés par la lumière frémissante des bougies, et mettant en valeur l'éclat de leurs prunelles qui brillaient telles deux gemmes dans la nuit, resplendissantes et éclatantes, soulignées par les ombres portées de leurs longs cils noirs, et le fait qu'ils se trouvaient seuls tous les deux en tête à tête ajoutait indéniablement à l'intimité du moment. Minos plongea son regard noisette dans les deux améthystes profondes qui lui faisaient face et chatoyaient de mille reflets changeants sous la lumière dansante des chandelles, scintillant comme des opales au soleil et rehaussant l'aura éthérée qui en émanait. Il remarqua pour la première fois que ces grands yeux mauves recelaient une multitude de nuances de violet, du plus profond au plus clair, les faisant véritablement paraître comme deux gemmes venues d'un autre monde, parfaitement serties dans leur écrin de cils noirs délicatement ourlés qui en rehaussaient l'éclat. C'est que ces grands yeux en amande aux courbes si parfaites et au regard magnétique autant qu'énigmatique l'hypnotisaient. Il n'avait jamais vu de plus beaux yeux de toute sa vie. Eaque avait des yeux magnifiques lui aussi, d'un violet sombre et profond splendidement assortis aux reflets violacés de sa ténébreuse chevelure d'ébène, mais ceux de Mû ressemblaient véritablement à l'espace infini paré d'étoiles et de galaxies et flamboyaient littéralement comme des supernovae sous la douce lumière orangée des bougies. Comment ne pas se perdre dans ces somptueux orbes mauves à l'éclat stellaire si lumineux, à l'impassible regard indéchiffrable, indescriptiblement doux et en même temps si intense et pénétrant à la fois ? Un cocktail détonnant où la lumière des étoiles dansait dans ce regard profond, énigmatique et sage. Mû lui renvoya son regard intense et s'il sembla un peu gêné au début de se retrouver en tête-à-tête avec le griffon dans cette atmosphère pour le moins intime et romantique, il engagea rapidement la conversation en demandant au griffon s'il aimait manger épicé. Celui-ci lui répondit qu'il avait déjà goûté à des plats asiatiques pimentés mais ne connaissait pas du tout les piments d'Amérique du sud, dont la redoutable réputation n'était plus à faire. Mû sourit et le rassura : Aldébaran avait la main légère en la matière, pour ne pas transformer ses invités en dragon ou en cracheur de feu improvisé. Mû demanda à Minos si les spectres étaient d'origine aussi variée que les chevaliers, qui venaient des quatre coins de la planète, et la conversation s'engagea alors sur les divers pays que représentaient les guerriers des Enfers et la diversité des cuisines qui en résultait, plaisantant sur la cohabitation parfois difficile de toutes ces spécialités culinaires dans l'enceinte du Sanctuaire souterrain. Minos expliqua qu'ils avaient plusieurs cuisiniers à leur disposition qui servaient leurs repas dans un grand réfectoire, où les fumets des divers plats se côtoyaient allègrement et se mélangeaient joyeusement, car chacun pouvait commander ce qu'il désirait manger, généralement la semaine précédente pour permettre l'approvisionnement rationnel des cuisines, car on ne gère pas les repas de 108 personnes au jour le jour. Mais les cuisiniers devaient jongler non seulement avec les goûts des uns et des autres mais également avec leurs habitudes, certains mangeant très peu au saut du lit, alors que d'autres au contraire étaient habitués à avaler un véritable repas dès qu'ils se levaient, mais déjeunaient peu à midi en contre-partie et tôt le soir, alors que d'autres réclamaient un copieux repas à midi et plus tardivement en fin de journée. Sans parler des différences de gabarit qui provoquaient une grande disparité des appétits, qui venait s'ajouter à la diversité et à la multiplicité des plats à préparer. Le matin était le moment le plus cocasse car les uns étaient franchement indisposés par les odeurs de saucisses ou de champignons frits que d'autres dévoraient de bon appétit, ou bien certains s'offusquaient de voir leurs confrères manger des choses salées que eux préféraient sucrées et réciproquement. A midi, ils chahutaient gentiment leurs collègues des pays de l'est qui dégustaient des soupes jusqu'au dessert (Nota : en Hongrie, pa exemple, ça surprend !) ou quelques-uns de leurs confrères qui étaient végétariens. En résumé, les repas, qui étaient un moment privilégié de convivialité, étaient souvent très animés. Les Juges, eux, avaient le privilège de se faire servir leur repas dans leurs appartements privés, mais ils préféraient la plupart du temps déjeuner le matin et à midi avec leurs hommes, réservant l'intimité du repas du soir dans leurs quartiers, en solitaire, entre eux ou en petit comité réduit, entre amis, selon leur humeur. Mû écoutait le griffon en souriant et en riant de bon coeur à l'évocation des nombreuses anecdotes qu'une telle diversité et promiscuité générait forcément, et Minos était tout heureux de captiver le bélier et d'entendre son petit rire cristallin qu'il aimait tant, fier d'en être l'inspirateur, ce qui l'encouragea à parler davantage de leur vie quotidienne dans le monde souterrain. En même temps, ils avaient besoin de détente tous les deux, après leur épuisante journée de travail qui avait requis une intense concentration soutenue et continue, et ils appréciaient de pourvoir converser ainsi en toute décontraction et libérés des contraintes matérielles du quotidien, comme s'ils se trouvaient dans un restaurant à discuter librement en toute amitié, loin de leurs préoccupations, loin de leurs obligations, en toute simplicité, oubliant pour un moment leurs rôles de chevalier ou de Juge, en simples êtres humains. Depuis la cuisine, Aldébaran suivait leur petite conversation en souriant, heureux de les entendre plaisanter et rire comme de vieux amis. Ils semblaient bien se détendre et bien s'entendre, ces deux-là. C'était un bon commencement... Puis il apporta une première platrée de brochettes saisies à point qui dégageaient un délicieux fumet des plus appétissants et fut accueilli par des exclamations ravies. Il revint vite avec la farofa qui accompagna merveilleusement la viande moelleuse grillée à souhait à l'extérieur, tandis que la petite sauce piquante en rehaussait subtilement les saveurs. Minos se servit prudemment de ladite sauce. Eaque l'avait initié à manger des plats pimentés mais le piment d'Asie n'avait rien à voir avec celui de l'Amérique latine, dont il préféra se méfier. Il expliqua qu'il avait déjà eu une expérience malheureuse avec du wasabi, la petite moutarde verte du pays du soleil levant, en apparence inoffensive mais qui l'avait transformé en cracheur de feu pour avoir sous-estimé son pouvoir gustatif. Il avait également manqué s'enflammer par auto-combustion en mangeant un curry indien très épicé et avait littéralement vidé l'assiette de noix de coco râpée qui était à la disposition de toute la tablée pour soulager le feu qui s'était emparé de sa bouche quasi instantanément. Mû et Aldébaran observèrent sa réaction après qu'il eut avalé une première bouchée, légèrement inquiets, mais le griffon leur sourit et déclara que la sauce était absolument délicieuse et s'accordait à la perfection avec la viande, qui était cuite à point. Il en demanda même la recette au taureau pour pouvoir en glisser un mot aux cuisiniers des Enfers et déclara qu'il ferait savoir à Aldébaran s'ils la réussiraient aussi bien que lui. La soirée se poursuivit tranquillement et des plus plaisamment. Ils plaisantèrent joyeusement entre les allées et venues du taureau durant tout le repas tout en se régalant et discutèrent longuement ensuite de choses et d'autres, puis Minos montra les premiers signes de fatigue vers onze heures trente, sonnant l'heure de la retraite. Mû voulut aider Aldébaran à faire la vaisselle mais le taureau refusa en leur intimant de rentrer au premier temple. Ils avaient eu une longue et harassante journée et devaient se reposer, alors que lui avait tout le temps. Mû et Minos l'aidèrent malgré tout à débarrasser la table et le remercièrent chaleureusement pour toute la peine qu'il s'était donnée et pour leur avoir permis de passer une si agréable soirée, le félicitant encore pour ses talents culinaires, puis ils descendirent les escaliers les ramenant à la maison du bélier. *** De son côté, Saga attendait patiemment l'heure du rendez-vous dans son temple. Il n'avait pas envie de traverser la maison du taureau pendant que ce dernier passait la soirée avec ses convives, soirée qui allait sûrement se prolonger, et il préféra pour une fois ne pas aller se promener sur les plages comme il avait pris l'habitude de le faire tous les soirs. Il était seul dans son temple, Kanon étant retourné faire un poker dans la maison du capricorne, cette fois, et Saga ne lui avait pas parlé de son ''rendez-vous'' avec le griffon. Il lui avait juste dit qu'il avait passé une très bonne journée à travailler aux côtés du bélier et du norvégien, qu'il avait empêché de draguer le jeune Atlante, et qu'elle s'était achevée par une petite discussion fort agréable avec le bélier sur la plage pendant que le Juge rééduquait ses muscles et ses os par une petite trempette tout seul dans l'eau, ce qui avait bien fait rire son frère. Il s'installa dans sa chambre et prit le livre que Mû lui avait prêté la veille pour le lire, confortablement assis sur son lit. Il fut soudainement ému en réalisant qu'il tenait dans ses mains un livre que les longs doigts fins du bélier avaient touché, et il eut l'impression de les sentir chaque fois qu'il tournait une page, qu'il effleurait systématiquement en la caressant plus qu'en la touchant pour la poser à plat. L'empreinte des doigts du bélier semblait y être gravée et en imprégner de sa douceur les feuilles fines, comme porteuses des traces légères et aériennes de son puissant cosmos, de son aura si caractéristique, sereine et apaisante, et tandis qu'il tentait de se concentrer sur ce qu'il lisait, ses pensées dérivèrent invariablement et malgré lui vers de grands yeux en amande qui le regardaient avec douceur et sollicitude et, lui sembla-t-il, intérêt. Un regard mauve franc et limpide qui l'avait observé avec estime tandis qu'ils discutaient. Un regard violet qui l'avait fixé avec attention et curiosité tandis qu'il relatait ses expériences à l'étranger. Un regard pur rempli d'étoiles, lumineux et profond comme l'espace infini qui avait plongé en lui avec admiration et considération. Un regard améthyste tout de bonté et de bienveillance, rempli de préoccupation et de prévenance envers lui qui lui avait souri. Il sut qu'il ne parviendrait pas à se concentrer sur son livre de chevet et décida de s'allonger et de laisser son esprit dériver, fermant les yeux et croisant les bras derrière sa tête, revivant ces moments fugaces mais intenses partagés avec son jeune confrère. Il ne s'était jamais senti aussi bien, après tout. A quoi bon lutter et se forcer à se concentrer sur un sujet quand autre chose occupe votre esprit tout entier en emplissant votre coeur de joie et en vous faisant voir des étoiles ? Il avait la sensation d'être au paradis et de voler sur un nuage, revoyant sans cesse ce beau regard mauve étoilé et souriant dirigé vers lui avec estime et attention. Oui, Kanon avait raison. Mû était vraiment ouvert d'esprit et il avait apparemment grandement apprécié sa compagnie. Il ressentit soudainement toute la fatigue accumulée dans la journée s'emparer de lui et décida de faire un petit somme. Il avait largement le temps, plus de 3 h devant lui, et cela ne pouvait que lui être bénéfique. Il arriverait plus frais que s'il se forçait à veiller alors qu'il avait dû consentir un effort de concentration et d'introspection considérable tout au long de la journée, en dépit du soutien du tendre bélier. Il régla son réveil de chevet et éteignit la lumière, s'allongeant sur le dos en fixant le plafond où les ombres portées par la lueur ténue de la lune, qui s'infiltrait par le haut de la fenêtre, dessinaient des arabesques ondoyantes, puis il s'endormit bientôt avec un sourire sur les lèvres et des étoiles dansant derrière ses paupières. *** Il arriva un peu en avance au lieu du rendez-vous. L'endroit était désert, tout était calme et seul le bruissement du vent dans les feuillages venait rompre le silence ambiant. La nuit était sombre, d'épais nuages obscurcissaient le ciel ordinairement étoilé et un petit vent frais allégeait l'atmosphère habituellement lourde et pesante, de par la chaleur accablante accumulée durant toute la journée. Il avait traversé les temples du taureau et du bélier sans encombre, sans déranger leurs occupants et sans croiser personne. Seul le silence résonnait le long des grands escaliers de pierre et dans les larges couloirs qu'il avait traversés, agrémentés de ce petit vent bénéfique qui rafraîchissait agréablement la nuit. Il avait entendu son frère rentrer bien après minuit et avait patiemment attendu que Kanon s'endorme pour ensuite sortir de sa chambre sans faire de bruit, mettant son cosmos en veilleuse pour ne réveiller ni alerter personne, puis était sorti de son temple. En franchissant le seuil du premier temple, il se demanda si le griffon était encore présent ou s'il l'attendait déjà au lieu qu'il lui avait fixé. Il préféra ne pas étendre son cosmos pour en avoir le coeur net, il le saurait bien assez tôt et ne voulait surtout pas ni réveiller ni alerter le bélier, Mû ne devait rien savoir de ce qui se tramait. C'était une affaire entre lui et Minos, même si, au fond, l'enjeu était le jeune Atlante. Il se demanda d'ailleurs comment le griffon comptait tromper la vigilance de Mû pour se rendre au village à cette heure tardive de la nuit, sachant que celui-ci devait l'accompagner partout où il irait. Il l'imaginait mal lui annoncer qu'il avait rendez-vous avec lui pour une petite balade d'agrément, surtout après ce qui s'était passé. Ce qui signifiait que le griffon devait fausser compagnie au bélier et prendre la poudre d'escampette en catimini. Très bien. Ainsi, Mû se rendrait probablement compte qu'il s'était faufilé sans son autorisation, ce qui entamerait indubitablement son capital confiance auprès du jeune Atlante. Saga l'avait toujours dit, il ne faut jamais se fier à un Spectre... Quelle que soit l'issue du combat, dont il ne doutait pas, le gémeau se rendit compte finalement que Minos était de toute façon perdant dans tous les cas, car Mû s'apercevrait de son absence, d'une façon ou d'une autre, ou au besoin lui-même s'arrangerait pour le lui faire savoir sous un prétexte quelconque. Le bélier se méfierait désormais du Juge et Saga faisait confiance aux pouvoirs psychiques du jeune Atlante pour sonder le griffon et le mettre à nu. Enfin, psychologiquement parlant, bien entendu... D'ordinaire, Mû ne lisait jamais l'esprit des gens, par respect et politesse, il se contentait de sonder les inconnus pour s'assurer de leurs bonnes intentions vis-à-vis de la déesse, en bon défenseur dévoué à celle-ci, comme ses compagnons, mais s'il devait sonder quelqu'un pour connaître le fond de sa pensée et découvrir sa véritable personnalité, personne ne pouvait lui résister, c'était le spécialiste en la matière, bien plus que Shaka, d'ailleurs, trop occupé à discuter en direct avec Bouddha, à en oublier la réalité terrestre et incapable de discerner la réalité qui l'environnait. Très clairement, Mû était beaucoup plus lucide et intuitif que la Vierge qui, contrairement au bélier, n'avait pas su voir leurs larmes de sang lorsque lui et ses compagnons d'infortune étaient revenus sous la forme de renégats. Sans parler de ces treize années d'imposture pendant lesquelles le jeune hindou lui avait apporté tout son soutien les yeux fermés, au sens propre comme au figuré, sans jamais se douter de rien. Oui, finalement, le griffon avait eu une excellente idée et cette soirée s'annonçait bien mieux qu'il l'espérait... Un léger bruissement derrière lui le fit se retourner. *** Mais que va-t-il se passer ? Réponse au chapitre suivant ici ! ;) Si vous souhaitez laisser un commentaire, c’est ici :
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