[
./etroite_collaboration_chap_7_1pag.html]
''Etroite collaboration'' by Ariesnomu / Mu Saga 4 ever (novembre 2008)
Chapitre 6 : Disparition
(suite)
– Minos, où as-tu envoyé mon frère ? – interpela rageusement Kanon en débarquant comme une furie dans le temple du bélier au beau milieu de leur repas de midi.
– Je te demande pardon ? – demanda poliment Minos en relevant de grands yeux étonnés vers le gémeau depuis son assiette.
– Ne fais pas l'innocent ! Je sais très bien que tu avais rendez-vous avec lui l'autre soir, alors qu'est-ce que tu lui as fait ?
– Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? – intervint Mû en posant tour à tour sur le gémeau et sur le griffon un regard surpris et interrogatif.
– Je n'en sais rien, Mû, je ne sais même pas de quoi il parle ! – répondit Minos, aussi surpris que lui.
– De ça, figure-toi ! – gronda Kanon.
Et sur ce, Kanon lui brandit la carte et l'enveloppe qu'il venait de trouver sur la petite table de nuit dans la chambre vide de Saga.
Etonné, Minos s'en saisit et lâcha un cri de surprise et de protestation en découvrant ce qui y était inscrit.
– Mais ce n'est pas moi, je n'ai jamais écrit ça et je ne suis même pas sorti ! – s'indigna le griffon, outré – D'abord, je ne serais jamais sorti sans en aviser Mû, et ensuite, ce n'est pas mon écriture !
– Ah oui ? Alors, comment expliques-tu ceci ?
– C'est peut-être ton paranoïaque de frère qui a inventé cela, il est un peu dérangé du cerveau... – rétorqua froidement Minos en fixant Kanon droit dans les yeux d'un regard glacial autant que furieux.
– Je t'interdis d'insulter mon frère ! – gronda le gémeau en lui renvoyant un regard menaçant.
– Je t'interdis de m'accuser ainsi, ce n'est pas moi qui ai écrit ce torchon ! – répliqua le griffon sur le même ton et en se dressant pour faire face au gémeau – Et pourqu'oi l'aurais-je fait, d'ailleurs ?
– Calmez-vous tous les deux ! – intervint à nouveau Mû en se levant à son tour – Kanon, où est Saga ? Ce serait peut-être plus simple...
– C'est bien ça, le problème : Saga a disparu ! Et c'est pour ça que je viens le voir, celui-là !
– Comment ça, disparu ? – demanda Mû, surpris et soudain inquiet.
– Il n'est pas rentré hier soir, ni ce matin, ni la veille, il n'est pas venu aux entraînements depuis deux jours, je ne le trouve nulle part et je n'arrive pas à le joindre par notre lien psychique... Pourtant, depuis que nous avons renoué ensemble, notre lien nous permet de communiquer à distance, où qu'il soit...
– Attends, Kanon, il a peut-être simplement fermé lui-même votre lien pour être seul... – commença Mû, cherchant une explication logique et rationnelle autant que rassurante.
– C'est vrai qu'il le fait souvent le soir, mais le matin, en général, il le rétablit...
– Attends... Tu as dit qu'il n'est pas venu aux entraînements depuis... deux jours ? – demanda Mû en fronçant ses points de vie, interloqué autant que préoccupé par cette nouvelle. Saga ne manquait jamais un entraînement, d'ordinaire, même s'il restait toujours un peu à l'écart de ses compagnons.
– C'est exact, et je ne l'ai pas vu non plus de la journée ni même de la nuit depuis 48 h. Je l'ai attendu toute cette nuit, et je viens d'entrer dans sa chambre en désespoir de cause. Elle était vide et apparemment, ça fait bien deux nuits qu'il n'y a pas dormi... Mais j'y ai trouvé ceci – fit le gémeau, effectivement pas très frais, en désignant la carte et l'enveloppe en lançant un nouveau regard accusateur en direction du griffon.
– Enfin, il n'a pas pu se volatiliser... Et Athéna nous a interdit de quitter le Sanctuaire... – réfléchit Mû à voix haute.
– Je l'ai déjà cherché partout, mais en vain. Il n'est nulle part ici. Je ne trouve même pas trace de son cosmos. Je me suis même rendu tout à l'heure au village et aux alentours, partout, mais rien, aucune trace. Alors, que s'est-il passé entre vous ? – redemanda Kanon au griffon, l'air mauvais.
– Mais rien du tout ! – s'exclama Minos, indigné – On ne s'est pas reparlé ni revu depuis la journée de travail de l'autre jour, ton frère ne s'est plus montré depuis et quant à moi, je suis tout le temps avec Mû... – ajouta-t-il en prenant le bélier à témoin, qui ne pouvait qu'acquiescer.
– Qu'est-ce que ce message peut bien vouloir dire ? C'est quoi, cette histoire ''pour ce que tu sais'' ? – continua Kanon. A vrai dire, il en avait une vague idée, mais...
– Il faudrait demander à ton frère ! Il est sûrement en train de se cacher quelque part pour faire croire à sa disparition et me faire accuser à tort !
– Ce n'est pas son écriture – objecta sèchement le gémeau.
– Il a dû la déguiser, il n'est quand même pas idiot. Enfin... je suppose... – le griffon laissa courir ce dernier mot plein de sous-entendus avec un regard narquois.
– Et si c'était toi qui avais déguisé ton écriture ? – répliqua Kanon en braquant sur lui un regard de défiance teinté d'une dangereuse lueur d'avertissement.
– Je te rappelle que je suis un Juge des Enfers, en mission d'investigation ici et j'ai bien plus important à faire que d'envoyer des messages ridicules à un individu dont le psychisme laisse fortement à désirer... – rétorqua froidement Minos en soutenant son regard.
Ils se défièrent longuement d'un regard électrique chargé d'hostilité, droits l'un en face de l'autre et déterminés.
Mû pendant ce temps étudiait attentivement la carte et l'enveloppe en passant ses longs doigts fins au-dessus du papier comme pour le sonder, comme il le faisait pour ausculter une armure ou un blessé, ses points de vie froncés, et il interrompit leur silencieux échange en lâchant laconiquement au bout d'un moment :
– Ce papier n'est pas d'ici... Et il y a des traces de cosmos... Un cosmos inconnu...
Le cosmos d'Arlès, faillit railler Minos, mais il se retint, se rappelant comment Mû avait défendu Saga lors d'une conversation au cours de laquelle il avait essayé d'enfoncer le gémeau. Ce fut Kanon qui s'interrogea à voix haute à sa place :
– Comment !? Un cosmos inconnu ?
– Oui... Un cosmos que je n'arrive pas à définir et qui n'est pas d'ici – confirma Mû.
– Voyons, c'est impossible ! – protesta Minos. Si c'est Saga qui a monté tout ça...
– Au contraire, c'est parfaitement possible ! – rétorqua Kanon, une lueur de compréhension dans les yeux – C'est toi qui as manigancé cette histoire ! Tu as demandé à un de tes confrères souterrains d'envoyer cette missive, c'est ça, hein ? Avoue !
– Mais qu'est-ce que c'est que cette accusation ridicule et absurde ? – s'écria Minos, furieux – Je ne suis pas un schizophrène paranoïaque comme ton frère, ou toi, apparemment ! Et je n'ai pas de temps à perdre pour des broutilles de ce genre ! Si ton frère a envie de se cacher, libre à lui, c'est son problème, je n'ai rien à voir avec ça !
Mû commençait à se poser des questions. Le cosmos qu'il détectait sur la feuille et l'enveloppe n'appartenait à personne du Sanctuaire, il en était certain. Il n'appartenait pas non plus à Minos, il pouvait le jurer. Alors...
Est-ce que Kanon avait raison ? Mais pourquoi Minos aurait-il fait ça ?
Il se remémora son court séjour en Enfer, où il était retourné pour ramener les douze armures d'or. Il avait ressenti l'atmosphère particulière qui y régnait, remplie des différents cosmos de tous leurs occupants et il avait lui-même approché plusieurs spectres. Charon, d'abord, et puis Eaque, et d'autres spectres aussi. Sans oublier ceux qu'il avait affrontés durant la guerre contre Hadès. Gigant et sa clique, Myu, Radhamanthe... Non, ils avaient un autre cosmos, tout à fait particulier et très différent de celui des chevaliers d'Athéna, parfaitement reconnaissables une fois qu'on les avait approchés. Et à bien y réfléchir, ils avaient tous un point commun, pour ceux qu'il avait croisés, en tout cas.
Indépendamment de leur aura personnelle et particulière qui les caractérisait chacun individuellement, leurs cosmos portaient une signature commune : leur longueur d'onde. Ils émettaient une aura sur une fréquence spécifique, en quelque sorte, semblable entre eux et différente de la leur.
C'était d'une certaine façon la marque qui permettait de différencier les chevaliers d'Athéna d'autres guerriers, comme ceux de Hadès ou de Poséidon ou encore d'Asgard.
Alors, si ce cosmos n'appartenait ni au Sanctuaire ni aux spectres des Enfers...
– Ca ne ressemble pas à un cosmos du Royaume d'Hadès – finit par dire Mû, toujours pensif et de plus en plus perplexe, ce qui laissa Kanon et Minos tout aussi surpris.
Mûl releva les yeux vers le gémeau et demanda, inquiet :
– Kanon... Pourquoi n'avoir pas signalé plus tôt la disparition de Saga ? Cela fait quand même deux jours.
– Mais il avait l'habitude de rentrer tard le soir et partait tôt parfois le matin, c'était assez fréquent que je ne le voie pas de la journée ni même en soirée, mais au plus tard, le lendemain matin, en général, je le retrouvais au temple, pour le petit-déjeuner, ou tout du moins, je percevais sa présence.
– Où est-ce qu'il allait le soir, Kanon ?
– Il allait marcher le long de la mer, en général...
– Et il fermait son lien avec toi ?
– Pas toujours, mais ça arrivait, parfois... Souvent... Je n'essayais pas toujours non plus de le joindre... Je ne voulais pas le bousculer, il avait besoin de s'isoler et je le respectais...
– Kanon, pourquoi Saga s'isolait-il tellement ? – s'inquiétait Mû.
– Tu sais très bien qu'il a du mal à accepter le passé, qu'il culpabilise à mort...
– Mais on lui a tous pardonné, combien de fois faut-il le lui répéter ?!!
– Ce n'est pas si facile pour lui, il a commis tant de crimes impardonnables...
– Mais il se mine pour rien...
– Pour rien ? Je n'appellerai pas ça ''rien'', tout ce qu'il a fait jusqu'à il n'y a pas si longtemps... – intervint sournoisement Minos avec un sourire sadique non dissimulé – Et au contraire, je comprends parfaitement qu'il ait envie de se faire discret...
– On ne te demande pas ton avis, Minos ! Ou plutôt, qu'est-ce que tu lui as dit pour que mon frère se cache, maintenant ? Tu lui as craché tout son passé au visage, c'est ça ?
– Alors, voilà, tu avoues ? Ton frère se cache ? Mais je suis désolé de te décevoir, je n'y suis pour rien, ton frère est assez grand et... responsable apparemment pour décider de lui-même de se faire discret...
Mû de son côté continuait de se poser des questions. Une phrase dans la lettre le laissait perplexe...
''Celui qui gagne laisse l'autre tranquille pour ce que tu sais...''
Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Minos et Saga s'étaient apparemment battus comme deux coqs, désireux l'un et l'autre de prouver qui était le plus fort des deux, et Saga avait probablement voulu venger l'honneur de son frère, mais ... Laisser l'autre tranquille ''pour ce que tu sais''... ?
– J'aimerais bien savoir ce qu'il y a entre Saga et toi pour que... une telle missive soit rédigée et pourquoi, comme par hasard, Saga a disparu depuis... – demanda finalement Mû en tournant vers Minos un regard profond et scrutateur qui indiquait clairement qu'il attendait une réponse claire et précise, sans quoi il n'hésiterait pas à avoir recours à ses pouvoirs mentaux pour lire dans l'esprit de son vis-à-vis – Vous vous êtes battus, l'autre jour, et bien au-delà du simple entraînement, prétendûment parce que vous vous étiez laissés emporter par le feu de l'action. Je veux bien croire que chacun ait voulu avoir le dessus sur l'autre, mais...''laisser l'autre tranquille pour ce que tu sais'', ça suppose qu'il y autre chose, non ?
– Mû, je n'ai pas écrit cette lettre et je n'ai rien à voir avec ça, je te le jure. Sur ma fonction de Juge des Enfers, grand Juge de Hadès. Je ne m'entends pas avec Saga, je ne le nierai pas, et c'est vrai, l'autre jour, on a voulu se prouver l'un à l'autre qui était le plus fort, mais ça s'est arrêté là. Je n'ai pas pour habitude de provoquer quelqu'un en duel juste pour prouver que j'aurai le dessus, et encore moins en catimini, ni non plus de le défier pour une simple mésentente puérile, et je n'ai pas besoin d'envoyer un courrier pour faire savoir ce que j'ai à dire à quelqu'un. Je suis suffisamment grand pour le lui dire personnellement et en face, et ensuite, l'affaire est réglée. Pour moi, en tout cas. Quant à la signification de cette... dernière phrase, je crois qu'il sera très intéressant d'entendre la version de Saga dès qu'il daignera se montrer... Ce n'est pas mon écriture et je suis mis en cause directement, pour un motif que lui saura peut-être expliquer. Mais tu peux lire dans mes pensées si tu ne me crois pas, Mû, je n'ai rien à te cacher.
Minos paraissait vraiment sincère et cela perturba autant Kanon que Mû.
Mû effleura un bref instant l'esprit de Minos pour s'assurer qu'il avait dit vrai, tandis que Kanon hésitait à intervenir pour donner sa version sur la signification de ladite phrase, mais il commençait à se poser des questions lui aussi. Saga n'avait quand même pas...
Il ne lui avait pas parlé l'autre soir de ce rendez-vous. Il lui avait juste dit qu'il avait suivi ses conseils et avait passé une excellente journée aux côtés de Mû en s'imposant au griffon et semblait aussi satisfait qu'heureux et détendu. Il était rentré tard cette nuit-là, vers minuit passé, et n'avait pas senti la présence de Saga dans le temple en allant se coucher. Est-ce que Saga avait reçu la lettre après qu'ils aient dîné ensemble, après que lui-même soit monté au temple du capricorne pour sa partie de poker ? Mais... Minos était censé dîner avec Mû chez Aldébaran... Comment aurait-il fait pour porter cette lettre sans qu'ils s'aperçoivent qu'il s'était absenté ? Il n'était pas doué de téléportation, lui... Et si une personne étrangère était venue l'apporter, nul doute qu'elle aurait été interceptée par les gardiens de la première et de la deuxième maisons et n'aurait jamais pu parvenir jusqu'au troisième temple... A moins que quelqu'un l'ait aidé... Mais comment ? Non, ce n'était pas possible... Alors...
Mû le tira de ses réflexions. Minos n'avait pas menti et ce cosmos étranger le perturbait grandement. D'autant que personne n'avait rien ressenti de particulier depuis deux jours, pas même lui ni son maître, qui lui en aurait forcément parlé, car il lui rendait compte de leurs recherches à la bibliothèque tous les soirs.
– Cette lettre porte un cosmos étranger qui ne vient pas du Royaume d'Hadès ni d'aucun Sanctuaire que nous connaissons et Saga a disparu...
Mû releva les yeux vers Kanon, visiblement inquiet.
– Il va falloir en aviser Shion...
– Attends, Mû... – objecta Kanon, de plus en plus persuadé désormais que Saga se cachait, même s'il ne s'expliquait pas cette histoire de cosmos inconnu – Athéna a demandé que personne ne quitte le Sanctuaire et je préfèrerais que l'on retrouve Saga sans avoir à en référer à quiconque. Il est sûrement sur l'île, quelque part...
– Mais tu l'as déjà cherché et tu dis ne pas avoir réussi à le localiser...
– Non, en effet... Mais toi, Mû... Tu as sondé l'esprit de Saga l'autre jour, n'est-ce pas ? Est-ce que tu crois qu'avec tes pouvoirs mentaux, tu pourrais le retrouver ? A moi, il me ferme peut-être son esprit parce qu'étant jumeaux, nous avons un lien psychique qui nous permet de communiquer et de nous retrouver même à distance, mais il n'a pas de raison de penser que quelqu'un d'autre essaierait d'entrer en contact avec lui. Alors, peut-être que toi... tu le pourrais...?
Oui, Mû avait sondé l'esprit de Saga. Oui, il était entré dans sa tête et était même entré en communion psychique avec lui, en quelque sorte. Se pourrait-il qu'en étendant son cosmos et ses pouvoirs atlantes, il puisse le retrouver alors que Saga se coupait de ses pairs, ou tout du moins, de son frère ?
– Ecoute... Je peux essayer de le localiser, en effet... C'est vrai, j'ai dû entrer dans son esprit pour lire ses souvenirs il y a deux jours et j'ai dû être en phase avec lui et j'en ai gardé la trace. Donc, même s'il... se cache, j'arriverai peut-être à entrer en contact avec lui...
– Pourquoi lui accorder une telle importance, Mû ? – intervint alors Minos – S'il se cache, c'est simplement parce qu'il n'a pas envie qu'on le retrouve... Il ne craint rien ici, de toute façon... et s'il a envie d'être seul, pourquoi le contrarier ? Il saura bien revenir quand il en aura envie ou besoin. Quand... monsieur... sera d'humeur...
Minos était extrêmement contrarié. D'une part, d'avoir été directement mis en cause par le gémeau et d'autre part, que même absent, celui-ci suscitât autant l'intérêt du bélier, jusqu'à prendre sur son temps pour le localiser.
Saleté de gémeau, pensa-t-il ! C'est qu'il arrive à monopoliser l'attention sur lui, et en particulier de Mû, même en disparaissant ! Il aurait dû s'en douter, que le gémeau n'abandonnerait pas aussi facilement... Il s'était réjoui trop tôt de constater qu'il se faisait discret. Mais non, au contraire, le schizo se faisait désirer... C'est qu'il était fin, le bougre...
– Que Saga s'isole de nous est une chose, qu'il n'assiste plus aux entraînements en est une autre – répondit Mû, visiblement soucieux – Et il y a cette lettre et ce cosmos inconnu qui commencent à m'inquiéter... Ce ne peut être une simple coïncidence si Saga a disparu depuis. De toute façon, cela ne coûte rien de le chercher et au moins, on en aura le coeur net. Si Saga ne cherche effectivement qu'à s'isoler, alors nous serons au moins rassurés. Par contre, si on n'arrive pas à le retrouver, je suis d'avis d'en aviser Shion, Kanon – Mû ajouta en regardant le cadet des gémeaux.
Celui-ci acquiesça de la tête sans mot dire, mais il pensait sincèrement que son frère s'isolait, maintenant. Quelle autre explication rationnelle pouvait-il y avoir ? Rien ni personne n'avait ressenti quoi que ce soit d'anormal ces derniers jours au Sanctuaire et Saga était largement de taille à affronter n'importe quel danger, et au cas très improbable où il se fût trouvé en difficulté, il aurait forcément fait appel à lui via leur lien psychique, mais là, non...
Mû ferma alors les yeux et se concentra, laissant aller son esprit en étendant tout doucement ses perceptions mentales et en diffusant son psychisme à la recherche du cosmos et de l'esprit de Saga. Il se souvenait parfaitement de la longueur d'onde qui en émanait, ayant eu besoin de se mettre parfaitement en phase avec lui l'autre jour en sondant les souvenirs du gémeau. C'était bien pratique, d'ailleurs. Ainsi, il n'avait qu'une signature mentale à chercher en sondant le Sanctuaire et ses environs, sans perturber ni surtout alerter ni alarmer ses autres frères d'armes et tout particulièrement Shion, qui auraient pu sentir son esprit venir à leur rencontre dans sa quête générale et s'en inquiéter.
Mû fit un premier tour complet du Sanctuaire sans succès. Il rouvrit les yeux face à Kanon et à Minos qui le regardaient, dans l'expectative. Il leur fit un signe négatif de la tête et déclara :
– Je crois qu'il vaut mieux sortir pour le rechercher depuis plusieurs points stratégiques d'où opérer. Je ne ressens pas sa présence ici au sein-même du Sanctuaire. S'il est sur une des plages ou ailleurs sur l'île, il faut que je me déplace pour l'approcher au plus près. Sinon, je vais devoir augmenter l'intensité et l'étendue de mes pouvoirs psychiques et je risque d'éveiller les soupçons. Ce qui serait contre-productif.
Minos et Kanon acquiescèrent et Mû les téléporta tous les trois de plage en plage, de falaise en falaise et de terrain vague en champs désertiques et arides sous un soleil de plomb. Ils cherchèrent ainsi une bonne partie de l'après-midi.
Mais rien. Aucune trace de Saga. Aucune trace de son cosmos nulle part. Aucune trace de son passage.
Ils se rendirent même tous les trois au village qu'ils sondèrent dans tous les sens, en long, en large et en travers, ainsi que tous ses environs. Et bien entendu à l'endroit qui était censé être le lieu de rendez-vous de l'autre nuit. Mais rien. Pas de trace de Saga non plus.
De guerre lasse, ils s'entre-regardèrent, perplexes, ne sachant plus que penser ni où chercher. Mais alors qu'ils erraient encore dans une ruelle abandonnée derrière le petit village de Rodorio, Mû eut soudain une idée.
– Il y a encore une solution... – déclara-t-il.
– Laquelle ? – demandèrent presque en choeur Minos et Kanon.
– L'armure des gémeaux...
– Quoi, Saga est parti avec ? – demanda Minos.
– Non, ce n'est pas ça. Mais je peux peut-être retrouver sa trace à travers l'armure.
– Comment ça ? – demanda Kanon.
– Et bien, de par ma fonction de réparateur, je peux entrer en harmonie avec l'armure, de la même façon que je peux lire dans l'esprit des humains. Le lien qui unit une armure à son porteur fait qu'elle sait à tout instant où il se trouve, afin de le rejoindre s'il fait appel à elle. Il suffit que je lise en elle pour provoquer la recherche de son chevalier par l'armure afin qu'elle le localise, guidée par leur lien et son cosmos... Ou sinon, si pour une raison quelconque le chevalier bloque son lien avec son armure, comme celle-ci garde en mémoire la trace de leurs derniers contacts permanents et que je peux lire les souvenirs que conserve une armure, il est peut-être possible retrouver la trace du chevalier, du moins jusqu'au moment où le lien a été rompu...
– Tu es génial, Mû ! – s'exclama Kanon.
– Ca n'a rien d'extraordinaire, c'est grâce à mes pouvoirs atlantes – minimisa Mû, toujours modeste – Et puis, en tant que réparateur d'armures, ça fait partie de mon travail ! Allons-y...
Mais alors qu'il s'apprêtait à les téléporter tous les trois pour retourner au Sanctuaire, Mû se retourna tout à coup, tous ses sens en alerte.
Il l'avait ressenti. Là, à l'instant. De façon ténue, mais il l'avait senti. Ce cosmos... Le même ou presque que celui qui imprégnait la lettre retrouvée dans la chambre de Saga... La même longueur d'onde, en tout cas...
Il étendit instantanément ses perceptions et scanna les environs, à la recherche de son origine. Il leva soudainement les yeux, mais ne vit personne, juste un corbeau au loin perché sur un réverbère, en haut de la rue principale. Il fronça ses points de vie et eut l'étrange sensation qu'on les observait.
– Mû, qu'est-ce qu'il y a ? – demanda Minos en observant le regard perplexe et soucieux du bélier.
– Le cosmos de la lettre... Je le sens ici...
– Où ça ? – demanda aussitôt Kanon.
– Ici, mais... Ce n'est pas possible...
– Comment ça, pas possible ? Tu le sens ou pas ?
– Oui, mais... Il semble venir... de ce corbeau, là haut...
Kanon et Minos levèrent instantanément les yeux dans la direction que Mû indiquait du regard.
Juste à ce moment-là, le corbeau déploya ses ailes dans un grand côassement et s'envola précipitamment vers la mer. Un peu trop rapidement pour un simple corbeau. Et à leur stupéfaction à tous les trois, le cosmos qu'ils perçurent alors très nettement sembla se déplacer avec lui.
Mais l'oiseau n'eut pas le temps d'aller bien loin. Vif comme l'éclair, Mû le psychokinésa en plein vol et le fit venir vers eux par télékinésie. Le corbeau se mit à côasser frénétiquement et bruyamment, cherchant désespérément à se défaire de l'emprise du jeune Atlante, mais en vain.
C'est alors qu'un éclair semblant provenir de l'oiseau-même surgit brusquement et le désintégra instantanément dans un grand côassement strident qui déchira l'air.
Les deux chevaliers et le Juge en eurent des frissons et regardèrent, ébahis, l'amas de chair et de plumes carbonisées qui, un instant plus tôt encore était un oiseau vivant, venir dans leur direction sous l'emprise du bélier.
Mû sonda rapidement ce qui restait du corbeau. Il portait encore les traces d'un cosmos, semblable à celui de la lettre. Celle-ci avait probablement été déposée par le corbeau, ce qui expliquait qu'il l'en avait imprégné. Ou que la personne qui l'avait rédigée en avait imprégné et l'oiseau et le papier.
Mais il distingua surtout parmi les plumes des petits fragments de métal et de verre encore fumants qu'il essaya de reconstituer par télékinésie. Au bout d'un moment, une sorte de collier du diamètre du cou de l'oiseau prit forme, terminé par un anneau dans lequel le verre en forme de disque était probablement enchâssé. Mû remarqua que le verre était dépoli et sans tain, ne renvoyant pas de reflet ni la lumière, le rendant ainsi indétectable au loin. Mais surtout, le collier était lui aussi porteur du même cosmos que l'oiseau et la lettre. Et il était puissant. Et malveillant.
Minos s'approcha avec dégoût des restes de l'oiseau mort maintenus dans les airs par télékinésie, et fronça les sourcils en se remémorant tout à coup un incident, en apparence anodin, mais qui apportait un éclairage nouveau sur ce qui s'était passé. Et n'avait rien de rassurant.
– Maintenant que j'y pense !... Il y avait un corbeau qui volait au-dessus de nous quand Saga et moi nous sommes affrontés l'autre jour, dans l'arène... Je n'y avais pas vraiment prêté attention, c'est un oiseau tellement courant. Mais je m'en souviens parce que Saga m'avait menacé de me jeter en pâture aux charognards et que juste à ce moment-là, il y a eu un côassement au-dessus de nous et que Saga avait pris le corbeau à témoin, si je puis dire, pour appuyer ses propos...
– Alors, ça voudrait dire que cet oiseau vous espionnait et a été témoin de votre combat – enchaîna Mû – Je me demande si ce collier qu'il portait autour du cou ne servait pas à transmettre tout ce qu'il voyait à son... propriétaire... J'avais l'impression qu'on était observés, tout à l'heure. Et j'ai l'impression également que c'est par le biais de ce collier que l'oiseau a été désintégré à distance... En bref... Ca expliquerait donc la lettre et son contenu. Et que Saga ne se cache pas, en fait....
Mû tourna un visage très inquiet vers Kanon et Minos, qui semblaient tout aussi soucieux que lui, désormais, surtout le gémeau.
– Saga a disparu... – lâcha-t-il finalement, le visage grave et préoccupé.
Son coeur se serra violemment en réalisant les conclusions auxquelles ils venaient d'aboutir si brutalement. Des conclusions qui lui firent l'effet d'un coup de massue sur la nuque. Ou d'un coup de poignard porté en plein coeur. Il lui sembla soudain que l'air lui manquait, mais il parvint malgré tout à ajouter :
– Il faut en parler à Shion.
***
Ha ha ha ha ha ! Je vous ai bien eus, hein ? Vous ne vous attendiez pas à ça, n'est-ce pas ? Mais que s'est-il donc passé cette nuit-là et où est donc Saga ?
Réponse de suite dans le chapitre suivant ici. ;)
Et si vous souhaitez laisser un commentaire, c’est ici :

[
Web Creator]
[
LMSOFT]