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''Souviens-toi'' by Ludi
Chapitre 11
(suite)
Quand Corinne lui avait dit qu’elle allait passer quelques jours chez une connaissance à Paris, il s’était tout de suite demandé si la personne concernée avait un service trois pièces entre les jambes, ce qui avait évidemment été le cas. D’abord, Éaque s’était méfié. Il n’était nullement rassuré en imaginant sa petite amie chez un homme inconnu. Pas qu’il était jaloux, mais il y avait de quoi se poser des questions, tout de même.
En apprenant que l’homme s’appelait Saga, qu’il avait la trentaine et qu’il était grec, tous ses doutes s’étaient envolés. Quelle coïncidence… Saga des Gémeaux, ancien Grand Pope, autrefois connu pour son sens de la justice… Non, décidément, Corinne ne risquait pas grand-chose avec un type pareil. Enfin, en la sachant casée, il n’essaierait pas de la séduire.
Cependant, tout de même curieux, Éaque avait insisté pour suivre son amie qui était extrêmement gênée de demander à Saga d’accueillir son compagnon. Ce que le grec avait accepté sans la moindre hésitation. Les jours qui suivirent et tout le long du voyage, le népalais s’était demandé comment il allait réagir une fois en face de son ancien ennemi. Ce que ce dernier allait faire.
Ce fut comme si c’était déjà programmé à l’avance. Une poignée de main serrée avec chaleur, un signe d’amitié. Ou du moins d’entente. Et le jeune homme préférait avoir de bons termes avec lui. C’était un ami de Corinne et il devait certainement être plus ouvert que son frère jumeau. Et Rhadamanthe.
Éaque eut un sourire amusé en pensant à l’ancien spectre. Ah, Rhadamanthe… Ce crétin qu’il avait fréquenté en de rares occasions, avec lequel il avait partagé son ennui mortel pour les réceptions. Crétin qu’il adorait embêter, son passe-temps favori quand il était coincé entre quatre murs avec des gens qui lui étaient indifférents.
En Enfers, il ne l’avait pas reconnu. Ils avaient changé en quelques années, Éaque avait laissé ses cheveux courts pousser alors que Rhadamanthe coupait les siens. Et puis, ils n’étaient pas particulièrement proches, en Enfers. Personne n’était vraiment proche. L’amitié n’existait pas vraiment, juste la reconnaissance…
« Saga, tu as des nouvelles de Ludivine ?
- Heu… non. Ça fait quelques jours que je ne l’ai pas eue au téléphone…
- C’est inquiétant, quand même, je n’arrive pas à la joindre…
- Ne t’inquiète pas, je suis sûr qu’elle va bien. »
Ludivine… Éaque tenta de se remémorer la jeune fille qu’il n’avait qu’aperçue que sur une photographie. Une amie de Corinne à qui ils allaient rendre visite. Elle lui avait paru sympathique et elles entretenaient de bons rapports. La jeune fille ne devait pas être si désagréable.
« Ah, j’allais oublier ! On a un chien, maintenant.
- Ah bon ? C’est génial ! Mais je croyais que tu ne voulais pas d’animal chez toi !
- Kiki a ramené une chienne abandonnée. À deux contre un, qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Éaque, ça ne te pose pas de problèmes ?
- Pas du tout, j’aime les animaux. C’est quoi comme race ?
- Je ne sais plus. »
Corinne le charia gentiment, Saga était vraiment un sans cœur. Il ne savait même pas de quelle race était son animal de compagnie ! Le grec lui répondit qu’il savait que c’était un chien et ça lui suffisait amplement, ce qui fit rire Éaque. Nul doute que Saga n’était pas un passionné des animaux, contrairement au népalais. Corinne avait été quelque peu troublée en découvrant deux chiens et un chat dans le vaste appartement de son compagnon, qui possédait plusieurs chevaux, installés dans la province française.
Ils ne tardèrent pas à arriver chez le grec. Un pavillon entretenu, agréable à la vue même s’il était loin de ces palaces où Éaque avait l’habitude de se rendre. C’était agréable, Éaque avait tendance à se sentir mal à l’aise dans des endroits trop luxueux. Quand on avait connu l’Enfer, difficile de se pavaner dans des pièces si luxueuses qu’elles permettraient de faire vivre des dizaines de personnes dans les parties reculées du monde.
Saga gara sa voiture dans le garage et tout le monde en sortit. Il prit la valise de Corinne dans le coffre alors qu’Éaque attrapait la sienne. Ils montèrent un tout petit escalier et entrèrent dans la maison. Et c’est alors que…
« Sayuri !! »
… une chienne encore non identifiée leur sauta dessus. D’abord sur Saga, mais comme elle le connaissait déjà, elle le laissa vite tomber et fit la fête aux nouveaux arrivant. Amusée, Corinne lui caressa la tête, alors que Éaque fondait littéralement pour l’animal qui se trouva donc un nouveau fan. Perdant son air sérieux, Saga lui trouva un air de gamin devant un nouveau jouet.
Ils entrèrent dans le salon où se trouvait Mû et, accessoirement, Kiki qui attendait patiemment son repas. Enfin, c’était vite dit, il avait une dalle d’enfer et ne cessait de rouspéter intérieurement après Saga sous le regard amusé de son ancien professeur. Les présentations furent vite faites, Corinne embrassa le jeune homme sur les deux joues alors qu’Éaque lui serrait la main. Il ne vit pas cette légère lueur de défi dans ses yeux, comme il avait pu la percevoir chez Saga. Cette petite lueur qui lui disait qu’ils avaient un passé commun et qu’il valait mieux l’enterrer définitivement.
Il ne se rappelait pas vraiment du jeune homme. Il n’avait dû voir que son portrait, les spectres de haut rang se devaient de connaître le visage de leurs ennemis, mais c’était tout. Il fut cependant quelque peu touché de le voir ainsi, fragile sur ce canapé et sans souvenirs. Ce ne devait pas être évident, ni pour lui ni pour les autres.
Saga les emmena dans la chambre d’ami. Il avait été conclu que, dorénavant, Saga dormirait avec Mû. Il aurait très bien pu partager le lit de son frère, mais cette possibilité n’avait même pas été évoquée, Kanon était une véritable araignée. Il ne pouvait s’empêcher, dans son sommeil, de s’étirer dans tous les sens, prenant toute la place, et accessoirement toute la couette. Quand ils n’étaient pas encore en situation régulière, Saga ne se gênait nullement pour jeter son frère hors du lit, ce qui lui permettait donc de dormir, mais Kanon, réveillé, ne restait pas immobile longtemps et se remettait à gesticuler pour retrouver son sommeil.
En somme, dormir avec Kanon était une horreur, et Lys était tout à fait d’accord avec Saga sur ce point. Pour ne pas louer deux chambres, Lys avait parfois partagé son lit avec Kanon, et elle n’avait pas hésité une seconde à lui donner des coups de pieds, inefficaces, puis de lui faire manger le sol. En fait, il fallait croire que seul Rhadamanthe pouvait supporter le grec. Enfin, comme il disait, mieux valait qu’il ait la bougeotte plutôt qu’il soit un gros ronfleur…
Éaque sembla quelque peu gêné de forcer Saga à dormir avec Mû à l’étage, et ainsi de le priver de son lit, mais le grec lui assura que ça n’aurait pas été différent s’il n’avait pas été là. Et il n’allait pas les faire dormir à l’hôtel. De toute façon, Mû ne bougeait pas, il n’avait pas de ver dans le derrière contrairement à son frère…
« Donc, voici la chambre, les commodités sont là-bas, la salle de bain est à l’étage, et la cuisine par là. »
Corinne connaissait déjà les lieux mais ce n’était pas le cas d’Éaque. Saga leur fit donc rapidement visiter en insistant sur le fait qu’ils pouvaient faire comme chez eux. Éaque, suivi de près par Sayuri, trouva le pavillon très agréable et se dit qu’il ne passerait pas un mauvais séjour entre ces murs.
Quand le tour du propriétaire fut fait, Saga accepta enfin de préparer le déjeuner. Kiki en sauta de joie. Corinne vint le rejoindre en cuisine, laissant son homme dans le salon qui partit dans une grande conversation littéraire avec le tibétain. Il pensait que Mû ne se souviendrait de rien et il fut surpris que, bien qu’ayant oublié son passé, il se rappelait aujourd’hui parfaitement de tout ce qu’il avait pu lire par le passé. Éaque était cultivé et il trouva un égal. De plus, ils venaient de pays voisins, même si Mû n’en avait pas vraiment conscience.
Le repas était presque prêt quand, soudain, on sonna. Saga ne sembla pas entendre et Mû poussa un soupir.
« Saga ! Ton frère a dû oublier ses clés !
- J’irai lui ouvrir dans deux minutes.
- Quand il sera gelé ? Après, il devra aller au médecin et on va tous être contaminés.
- Kiki, va ouvrir à ce crétin. »
Corinne et Éaque éclatèrent de rire alors que l’enfant allait tranquillement ouvrir à l’adjoint qui pestait contre ces « crétins pas fichus de lui ouvrir la porte et qui voulaient sa mort ». Quand il arriva dans le salon, frigorifié, il lança un regard étonné à Éaque et se souvint que, en effet, ils avaient maintenant des invités à la maison.
Le népalais se leva et lui serra la main. Corinne arriva et salua à son tour le grec. Voilà une tête connue. Puis, ce fut Saga qui arriva et il lui lança un regard moqueur.
« La prochaine fois, prends tes clés.
- Oh, ça va, hein…
- Rhadamanthe n’est pas avec toi ?
- Monsieur avait des choses à faire.
- Tu l’appelleras pour qu’il vienne avec Lys.
- Mais on sera combien à table ?! Hey, Saga, je te cause ! »
Mais le grec était déjà reparti dans sa cuisine alors que Kanon lui affirmait que ce n’était pas une bonne idée du tout d’inviter ces deux-là ensemble, Rhadamanthe ne ferait que le charrier et Lys mangeait comme quinze. Il ne fut guère soutenu par Éaque, il voulait voir Rhadamanthe et son amie enceinte jusqu’au cou. Corinne fut néanmoins d’accord avec Kanon, ça ferait un monde pas possible à table, mais Saga ne changea pas d’avis. De toute façon, ils finiraient forcément par rappliquer, ces deux-là, autant que ce soit maintenant…
***
C’est… folklorique…
Devant ses yeux bleus, s’étendait un curieux tableau. Mais Lys ne regrettait pas d’être venue, il aurait fallu qu’elle soit mourante pour ne pas assister à ce petit dîner entre… amis.
Dans la salle à manger, étrangement étroite, tout un petit monde était assis autour d’une table. D’abord, il y avait Saga, qui allait et venait depuis la cuisine pour servir tout le monde, et accessoirement pour fuir la table. À vrai dire, Corinne en faisait de même dès que l’occasion se présentait, et nul doute que Mû aurait aimé les imiter s’il avait pu. Sauf que le jeune homme ne marchait pas, ce qui posait un sacré problème avec lui.
Donc, il y avait la charmante Corinne, à la conversation agréable et intéressante, ainsi que Mû, très cultivé et d’une douceur inimitable, même s’il savait balancer subtilement des piques quand on venait lui chauffer les oreilles. Étrangement, Kanon n’en reçut aucune ce soir-là, trop occupé à essayer de faire dévier les conversations.
Ensuite, il y avait donc Kanon, son adjoint adoré et indispensable qui s’était attribué la mission divine de faire diverger la conversation vers des faits plus… neutres. Sauf qu’il échouait lamentablement, mais ses efforts étaient louables, Lys devait bien le reconnaître. Et puis, Kiki était assis à côté d’elle, mangeant tranquillement sa viande et ses légumes en se demandant si la maison serait en état le lendemain matin ou si tout allait exploser dans la minute suivante.
Enfin, il y avait Rhadamanthe et Éaque. Quand Rhadamanthe était arrivé, tout s’était à peu près bien passé. Polis l’un envers l’autre, il n’y avait eu aucune remarque désobligeante. La soirée avait donc bien commencé, mais c’était carrément parti en vrille quand Saga avait servi l’entrée, à savoir des crevettes et une salade de tomates. Et il fallait savoir que Rhadamanthe avait une sainte horreur des crevettes et Éaque était incapable d’avaler un morceau de tomate sans filer directement aux toilettes. Quelle idée avait-il eu de servir une entrée pareille…
Et c’est ainsi que les hostilités commencèrent, à cause de bêtes crevettes et tomates, qui n’avaient rien demandé à personne. Une dispute calme mais non moins acérée débuta entre les deux challengers, passant d’un sujet à un autre avec une incroyable facilité, demeurant calmes quelques instants grâce aux efforts de Kanon mais ils repartaient de plus belle au moindre mot de travers. Et rien ni personne ne savait quoi faire, n’osant gueuler qu’ils n’étaient que des gamins immatures, de peur de se faire foudroyer sur place.
Corinne ne savait plus quoi faire, ni même où se mettre. Elle était incapable de calmer son compagnon, tout comme Kanon qui avait peur de se prendre la fourchette dans le bras s’il osait se plaindre. Saga et Mû essayaient de participer normalement à la conversation, mais si le jeune tibétain arrivait à employer un ton détaché sans recevoir les foudres des deux adversaires, ce n’était pas le cas de Saga qui préféra au final se taire.
Lys, elle, regardait ce combat avec attention, comme on regarderait un débat politique entre deux partis opposés, ou alors un match de tennis. Pour le moment, son cousin avait l’avantage, mais la situation pourrait très bien se retourner d’un moment à l’autre, Éaque avait de la répartie, alors ce n’était pas le moment de se déconcentrer.
Après le plat de résistance vint le dessert, à savoir deux tartes. Saga servit les pâtisseries avec classe, parce que tout ce que Saga faisait avait une certaine classe, interrompant deux minutes les deux anciens spectres pour savoir de quel gâteau ils voulaient. Ah, la mi-temps, se dit-elle. On crut que la bataille serait terminée entre ces deux crétins, mais quelle idée ! Elle reprit quand Saga leur servit le café et ne se termina que quand Kanon décida qu’il était l’heure d’aller se coucher, un taxi attendait Rhadamanthe et Lys dehors.
La blonde fut déçue. Match nul. Mais ce n’était que partie remise…
***
« Kiki !! »
Tout le monde sursauta. Un hurlement encore non identifié venait d’éclater dans la maison. Aussitôt, des petits pas précipités s’enfuirent dans le couloir alors que Saga, car ce ne pouvait être que lui, pourchassait ce petit renard fouineur, et accessoirement sa chienne. Enfin, ladite chienne prit ses papattes à son cou et dévala l’escalier, terrifiée, pour entrer dans le salon et se faire consoler par Éaque.
« Bah… Qu’est-ce qui se passe ?
- Pas grand-chose, à part Kiki qui cherche ses cadeaux de Noël au lieu de faire ses devoirs. »
Corinne et Éaque se regardèrent avant d’éclater de rire. Mû se contenta de sourire, le nez plongé dans un roman de Zola, alors que Saga redescendait, fulminant de colère. Ce qui l’embêtait le plus, en fait, ce n’était même pas que Kiki trouve ses cadeaux, puisqu’ils étaient emballés, mais c’était surtout qu’il allait mettre un foutoir pas possible dans la chambre pendant ses recherches. Et Saga avait horreur de fermer les portes à clés dans une maison.
« La chasse au fouineur a été bonne ?
- C’est ça, moque-toi. Tu rigoleras moins quand il ira fouiller dans ton armoire. »
Le sourire d’Éaque tomba et, si Corinne n’avait pas été assise sur ses genoux, il se serait levé pour fermer sa chambre à clé. Éaque détestait qu’on fouille dans ses affaires et, surtout, qu’on mette tout en désordre. Saga eut un sourire ironique alors que l’ancien spectre lui tirait intelligemment la langue.
« Bref. Vous ne sortez pas, tous les deux ?
- On est déjà sorti toute la matinée. Et puis, j’ai laissé un message à Ludivine, j’aimerais qu’elle me rappelle. »
Corinne était vraiment inquiète pour la blonde qui ne lui avait toujours pas répondu, ce qui l’ennuyait de plus en plus. Éaque se disait plutôt « pas de nouvelles, bonnes nouvelles », mais bon. Tout le monde ne raisonnait pas comme lui. D’un autre côté, il n’avait pas vraiment d’amis qui pouvaient s’inquiéter pour lui, ou pour qui il pouvait s’en faire. À part Lys, sans doute. Ouais, c’était la seule exception.
« D’accord. Je vais aller promener Sayuri. »
Saga enfila ses chaussures, appela la chienne encore apeurée et ils sortirent, laissant ses invités et Mû seuls dans le salon où la télévision allumée diffusait un film à l’eau de rose, peu intéressant mais ça faisait du bruit dans la pièce.
Éaque et Corinne étaient arrivés la veille, et ils étaient presque comme chez eux. Saga et Kanon avaient découvert, avec stupéfaction, que le népalais était terriblement pointilleux sur ses affaires. Une fois que ses vêtements étaient lavés, c’était lui qui les repassait, qui les pliait et qui les rangeait dans son armoire.
Pas que ça dérangeât Saga, il en était même content, mais jamais il n’avait eu l’idée de repasser les chaussettes et les sous-vêtements avec autant de délicatesse. Et il ne se rappelait pas non plus s’être excité autant que Éaque à cause d’un petit pli sur une chemise qui refusait tout net de se laisser repasser.
Tout était carré, chez lui, jusqu’à l’heure à laquelle il se brossait les dents. Et même la place de sa brosse à dents. Kanon se demandait comment il pouvait respecter ses heures avec son train de vie. Corinne ne faisait même plus attention aux excentricités de son compagnon, on se fait à tout, comme aux vingt litres de lait dans le placard pour les crêpes de Kanon.
Saga était cependant troublé quand Éaque mettait la table avec lui, sa manie de placer correctement les couverts à quelques centimètres près des assiettes. Un peu comme la manie de Mû de ranger ses romans, à Saga, dans l’ordre alphabétique et par genre, ce qui était quelque peu compliqué puisqu’il ne pouvait se tenir debout. Ce qui énervait le jeune homme, qui voulait ranger ces fichus bouquins trop hauts pour lui. Saga le trouvait adorable à bouder les étagères.
Dans la maison, le petit couple s’était fait discret au plus grand plaisir de Saga et Mû qui avaient déjà fort à faire avec Kanon et Rhadamanthe, certes silencieux sur leur relation, mais Kanon ne pouvait s’empêcher de taquiner l’ancien spectre, qui le lui rendait bien. Et la guerre entre Éaque et Rhadamanthe de la veille demeurait dans les esprits. Par bonheur, la maison était encore debout, Saga avait été à deux doigts d’étriper Lys en la voyant déçue de ce match nul. Kanon n’était pas loin non plus. Mû avait jeté un regard tendre à Saga qui s’était calmé. Sinon, on aurait eu droit à un homicide.
Quelques minutes plus tard, Saga revint avec Sayuri. Ils étaient tous deux frigorifiés. Sayuri vint chercher du réconfort auprès d’Éaque, mais ce dernier et sa compagne la virent d’un très mauvais œil, toute gelée qu’elle était. Kiki, assis sur le tapis pour faire ses devoirs sur la table basse, attrapa Sayuri pour lui faire un gros câlin. Quant à Saga, il préféra chercher du réconfort auprès de Mû.
Chose qui avait étonné le couple : la tendre complicité qui liait le grec et le jeune malade. Corinne trouvait ça mignon, Saga était quelqu’un d’attentionné et Mû répondait à ses attentions. Elle craignait juste le moment où il recouvrerait la mémoire… Quant à Éaque, il avait été surpris mais pas vraiment choqué. Les gays étaient des hommes comme les autres, on donnait juste un nom à leur amour. Chez les hétéros, l’amour était « normal ». Entre les hommes ou les femmes, l’amour était « homosexuel ». Éaque ne voyait pas vraiment où était la différence.
Et puis, dans un monde comme celui des Enfers, ou encore du Sanctuaire, c’était assez répandu, il y avait si peu de femmes dans leurs rangs. Sa tolérance était peut-être due à cela, mais il n’en était pas vraiment certain. Il était juste large d’esprit. Avec ce qu’il avait vécu, il ne se sentait de toute façon pas d’âme à batailler pour une broutille pareille.
***
Le téléphone sonna. Il était dix-neuf heures passées et tout le monde était à table. Sauf Kanon, il était actuellement porté disparu, comme c’était le cas ces derniers temps à cause du travail. Éaque poussa un soupir.
« Qui peut téléphoner à une heure pareille ?
- Kanon. »
Saga se leva et disparut dans le salon, laissant les autres manger. Un silence s’installa dans la pièce, tout le monde écoutait la conversation du grec.
« Oui ? … J’avais deviné que c’était toi. Tu es où ? … Ah ? … D’accord, mais tu aurais pu m’appeler avant… Non, on t’a pas attendu, et puis quoi encore ? … Comment ça, c’est méchant ? Crétin… Et Lys, elle fait quoi ce soir ? … D’accord. Bon, à plus tard alors… Comment… T’avais tout prévu et tu m’as rien dit ?! »
Éaque et Corinne se regardèrent, sans comprendre. Mû leur glissa que Kanon avait dû prendre des affaires et qu’il avait prévu ce soir de découcher. Bizarrement, le couple sembla intéressé, et surtout surpris que Mû ait compris malgré les bouts de phrase qu’on entendait du salon.
« Bon, passe une bonne soirée… À dix heures ? Kanon, je ne suis pas ton chauffeur ! … Bon, si Lys vient aussi… Non, c’est pas du favoritisme, Kanon, tu n’as pas deux bébés dans le ventre, toi… »
Saga poussa un soupir exaspéré en entendant les autres éclater de rire dans la cuisine. Oui, imaginer son frère avec un ventre de femme enceinte, ce n’était pas très sérieux… surtout quand on essayait d’imaginer comment les bébés sortiraient… Mouais, mauvaise image…
Le grec raccrocha, revint dans la cuisine et se rassit à sa place pour continuer son repas. Éaque lui demanda avec qui Kanon découchait ce soir-là, Saga faillit s’étrangler avec son repas. Mû cachait son sourire derrière sa main. Évidemment, ils n’étaient pas au courant…
« Eh bien…
- Tu ne veux pas me le dire ?
- Disons que…
- Qu’est-ce que ça change qu’il le sache ?
- Mû a raison, qu’est-ce que ça change ?
- Je préfère ne pas en parler. »
Éaque tenta de connaître l’identité de la maîtresse de Kanon, mais Saga était une tombe. Mû préféra se taire, même s’il savait que le népalais l’apprendrait d’une manière ou d’une autre. Il était même étonné qu’il n’ait pas deviné la veille. Enfin, il était focalisé sur Rhadamanthe. Heu… justement…
Quelques minutes plus tard, Lys arriva, toute fraîche et pimpante. Disons plutôt qu’elle était tout sauf ça. Tout simplement crevée, elle se laissa tomber sur une chaise. Elle avait très faim, elle se plaignit d’ailleurs que Kanon ne l’avait même pas emmenée dîner.
« On dirait que Kanon est ton chien.
- Éaque !!
- À peu de choses près.
- Lys !!
- Si Monsieur n’avait pas décidé de découcher, aussi… Depuis que Rhadamanthe est là, il n’a d’yeux que pour lui ! »
Un ange passa. Saga sentit un poids lui tomber sur les épaules, Mû se dit que la révélation était arrivée plus vite que prévue, Kiki mangeait ses pomme de terre et Corinne avait mis sa main devant sa bouche pour cacher, très mal, sa surprise. Ces mots n’étaient pas tombés dans l’oreille d’un sourd, les yeux bleu foncé d’Éaque brillèrent d’une étrange lueur.
Lys regarda la petite assemblée avec l’étrange impression d’avoir dit une grosse connerie.
***
Chapitre suivant ici. ;)
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