[./ludi_fic_souviens_toi_chap_16_1pag.html]
''Souviens-toi'' by Ludi Chapitre 15 Il sentait le sommeil le quitter. Ses rêves se dissipaient comme un fin brouillard. Peu à peu, il recouvrait l’usage de ses sens, en particulier le toucher, et l’ouïe. Il entendait une respiration lente et régulière, à ses côtés. Et c’était comme s’il était enveloppé dans un cocon de chaleur. Ses paupières papillonnèrent, avant de s’ouvrir complètement. La chambre était plongée dans une semi-obscurité, les rideaux masquant le soleil. Mû avait encore envie de dormir, mais même s’il fermait les yeux, il savait qu’il ne parviendrait pas à retrouver le sommeil. Il préféra donc regarder Saga, qui dormait près de lui. Ou, plutôt, contre lui. Mû était blotti près du corps puissant du grec qui semblait dormir à poings fermés. Son visage étaient détendu et serein, encadrés par les boucles bleues de ses cheveux. Mû se sentit sourire. Il poussa un léger soupir, en se disant qu’il avait quand même de la chance. A croire que le sort, après s’être acharné sur lui, semblait avoir décidé de lui laisser un peu de bonheur. Saga, cet homme qu’il avait tant admiré autre fois et qu’il continuait à respecter, qu’il avait même aimé en secret sans jamais penser qu’il pourrait ne serait-ce qu’un jour éprouver une quelconque amitié pour lui. Saga était ce genre d’homme qui inspirait le respect et qu’on pensait inabordable. Mû n’avait jamais cessé d’espérer qu’un jour il revienne à lui, que la vie au Sanctuaire reprenne, en tournant le dos à toutes ces horreurs qui avaient taché les pages de leur histoire. Ce moment n’était pas encore arrivé, et peut-être ne viendrait-il jamais. Mû ne savait pas ce qui était arrivé au Sanctuaire, ni aux autres chevaliers, même s’il avait la sensation qu’ils allaient bien. Ou, du moins, qu’ils étaient vivants. Et alors qu’il attrapait une mèche de cheveux bleus pour la caler derrière l’oreille de Saga, il souhaita tous les retrouver, et serrer à nouveau dans ses bras ses amis : Camus, Shaka… Il était heureux, lui. Les autres avaient aussi droit à leur bonheur, non ? *** « Saga, j’ai faim. - Mange ton poing ! - Kanon, je t’ai pas parlé ! - Ventre sur pattes. T’es pas malade quand il faut manger ! - Mais t’es pas mieux, toi ! - Kanon, mon cher frère adoré, tu pourrais me rendre un service ? - Demandé si gentiment, je ne pourrais pas refuser. - Lève tes fesses du canapé et va promener Sayuri. » Après un petit « Tu seras adorable ! », Saga sortit du salon. Mû pouffa en ignorant le regard noir de Kanon. Kiki lui tira la langue alors qu’il se levait en grognant : cela faisait deux jours que Saga attendait une réponse pour l’édition de son roman et il passait facilement d’une émotion à l’autre. Dernièrement, alors que Kanon demandait aimablement à son frère s’il n’avait pas aperçu une pochette cartonnée orange, ce dernier avait presque, tout était dans le « presque », jeté tous les vêtements de l’armoire dehors jusqu’à ce que Kanon l’arrête, terrifié à l’idée de tout ranger. De plus, quand Kiki avait avoué à Saga avoir eu un six à son dernier contrôle de français, parce qu’il n’avait pas révisé ses terminaisons, il avait dû recopier les verbes « mâchouiller », « jaillir » et « extraire » à tous les temps de l’indicatif au moins cinq fois. Kiki avait cru mourir en voyant ces mots inconnus et bizarres mais il ne put obtenir aucun soutien de la part de Mû : ce n’était pas à lui de contredire les punitions de Saga. A vrai dire, depuis que Saga était sur les nerfs, Mû préférait se taire. Il était le seul à ne pas avoir fait les frais de l’humeur changeante de son Gémeau, et il préférait éviter de vivre cette désagréable situation. Il écoutait donc sans se plaindre Kanon et Kiki, ce dernier ayant beaucoup souffert lors de cette punition atroce qui était de conjuguer des verbes qui n’existaient même pas. Kanon siffla et Sayuri leva la tête. Voyant qu’il se dirigeait vers l’entrée, elle se leva à son tour et le suivit, prête pour sa promenade. Kiki fut content d’être malade : il n’avait pas à la sortir par le temps qu’il faisait, à savoir de la neige froide partout. Mû lui avait répliqué que la neige était rarement chaude et qu’il devait être habitué, avec le temps passé à Jamir. Kiki lui affirmait qu’il s’était trop habitué au climat de la Grèce, puis de la France. « Enfin, ta fièvre est tombée, tu vas pouvoir retourner à l’école. - Ouais, pendant deux jours… » On frappa à la porte. Saga dévala les escaliers et ouvrit : Anthony et Valentine étaient au garde à vous devant la porte, un grand sourire sur les lèvres. Saga les laissa entrer. Les deux enfants se déchaussèrent et montèrent à l’étage avec Kiki pour lui donner ses devoirs. Kiki était assez dégoûté à l’idée de reprendre les cours le lendemain, mais il se motivait en se disait que cela ne durerait que deux jours. Saga était revenu dans le salon. Il s’installa dans le canapé et attira Mû à lui, qui se laissa faire. Ils entendirent la porte de la chambre de Kiki se fermer et leurs voix s’éteindre d’un coup. Mû attrapa une main bronzée de Saga et joua nerveusement avec ses doigts. Saga songea qu’il le faisait aussi quand il était plus jeune, en particulier quand il avait quelque chose à demander. Il l’embrassa sur le front. « Quelque chose ne va pas ? - Si, tout va bien. » Mais c’était comme si les yeux de Saga fouillaient en lui, et le tibétain ne se sentit pas capable de lui mentir. Enfin, « mentir » était un bien grand mot… Il s’installa plus confortablement contre le grec qui lui caressa les cheveux. Tous deux avaient une impression de déjà-vu, sauf que Saga se rappelait parfaitement ce genre de moments de complicité, tandis que Mû les avait oubliés bien malgré lui. « En fait, c’est pour les autres… Tu n’as vraiment aucune nouvelle ? - Absolument aucune. - Pourquoi vous n’avez pas cherché à les retrouver, avant ? Vous avez une bonne situation, et… » Une ombre passa sur le visage de Saga. Il inspira profondément et décida d’avouer à Mû, ce que Kanon lui avait avoué il y avait déjà plusieurs mois. « Kanon… a essayé de faire quelques recherches. Comme ça, pour tâtonner. On s’en voulait, lui et moi, on n’osait pas vraiment chercher les autres et être confrontés à eux, mais on a quand même essayé de faire quelque chose. - Et ? » Les mots semblaient difficiles à sortir. Saga n’en avait jamais parlé avec qui que ce soit : Kanon le lui avait dit et ils n’avaient pas jugé utile d’en discuter. « On a tout d’abord commencé à chercher Shaka. Il est entré assez tard chez les apprentis, il devait avoir six ans. Je connaissais son nom et son lieu de naissance, en Angleterre. Par la suite, ses parents ont déménagé en Inde, où ils sont morts. - Je ne vois pas où tu veux en venir. - Shaka est la personne la plus facile à trouver. Tous les autres étaient extrêmement jeunes quand ils sont venus au Sanctuaire. Et il a été impossible de trouver quoique ce soit sur lui. Quand Kanon a voulu faire des recherches plus poussées, il a failli se faire tuer en pleine rue. » Mû sembla interloqué. Saga poursuivit, sans le laisser dire quoi que ce soit. « Une voiture qui a foncé sur lui et il a failli passer dessous. L’homme s’est enfui, on n’a jamais su qui c’était. - Et comment vous savez que… - Kanon avait reçu une lettre de menaces et il a été attaqué le lendemain même. On ne savait pas trop quoi faire, alors il a fait quelques recherches sur Aphrodite, et il s’est fait agresser une nouvelle fois. » Ils avaient donc stoppé leurs recherches. Ils s’étaient mis d’accord pour demander de l’aide à Lys, une fois qu’elle aurait accouché : Kanon se sentait prêt à lui raconter leur passé. Le fait que Mû vive chez eux leur avait redonné espoir, mais Kanon voulait attendre que sa patronne ait mis ses enfants au monde avant de commencer ces recherches. Saga en parla à Mû et lui expliqua pourquoi ils s’étaient arrêtés à Shaka et Aphrodite : les autres étaient bien trop difficiles à retrouver et la tâche était loin d’être aisée s’il n’y avait pas d’approfondissements. Tout en comptant sur ses doigts, Saga énuméra les différents chevaliers. D’abord, il aurait été impossible de retrouver Mû, étant donné qu’il était né chez les atlantes et il n’était évidemment déclaré nulle part. A part en Grèce, évidemment, mais il était hors de question de s’approcher du Sanctuaire. Ensuite, Aldébaran était un orphelin. Quand son maître l’avait trouvé dans un bidonville de Buenos Aires, l’enfant n’avait même pas de prénom, traînant dans les rues, sachant à peine parler. Un enfant sans espoir, avait-on dit, mais son maître avait cru en lui, et il était indéniable qu’Aldébaran avait été un chevalier puissant et très intelligent. Masque de Mort, quant à lui, aurait été aussi difficile à trouver qu’Aldébaran : son maître n’avait pas jugé utile d’écrire son nom et son prénom sur les registres du Sanctuaire, et à part qu’il venait de Sicile, Saga ne savait absolument rien à son propos. Autant dire qu’il perdrait moins de temps à chercher une aiguille dans une botte de foin. Aiolia n’avait pas été déclaré par ses parents. Mû en était étonné, et Saga lui expliqua qu’il avait provoqué la mort de sa mère, lors de sa naissance, et son père avait tout bonnement refusé de le reconnaître comme son fils. Il n’avait d’ailleurs jamais voulu s’en occuper, et Aioros, du haut de ses sept ans, s’était occupé de son jeune frère les quelques jours qui précédèrent l’assassinat de leur père, quand leur maître vint les chercher. Saga tira cela d’Aioros lui-même, qui ne s’était jamais vraiment remis de ce passage de sa vie. Puis, il y avait Shaka, dont Saga avait déjà parlé. Il passa un peu de temps sur Milo, qui n’avait sans doute pas été déclaré non plus : sur les registres, il était écrit Milo Papadopoulos, mais Saga ne savait pas vraiment si c’était son vrai nom de famille ou celui que Sion lui avait attribué. En effet, Milo n’était que l’enfant d’un garde et d’une servante. Le garde rejeta cette naissance et fut tué lors d’une attaque du Sanctuaire. Quand à sa mère, elle rejeta l’enfant et mourut, à moitié folle. Milo fut alors élevé avec les autres orphelins apprentis, comme Aiolia, d’où il fut sorti par son maître, afin de devenir chevalier. Saga passa peu de temps sur Aioros, ayant, comme Shura, été déclaré à sa naissance, mais les trouver demeurait difficile. Ils avaient vécu dans des endroits reculés où on ne se souvenait sans doute pas d’eux. Camus, quant à lui, n’aurait pas dû être difficile à localiser, mais c’était sans compter le fait de son passé trouble et des attaques répétées contre Kanon qui les avaient dissuadés de continuer. Restait Aphrodite, mais leurs recherches avaient été stoppées par les agressions. Saga avoua au tibétain que le chevalier des Poissons avait une maîtresse, dans un coin reculé de France, et qu’ils avaient même eu un enfant. Ils avaient donc fait des recherches sur cette femme, qui vivait en Bretagne. Quand ils s’attaquèrent au cas « Aphrodite », ce fut déjà plus délicat. « Il y a aussi Dohko, mais je ne pense pas que ses parents aient déclaré sa naissance quelque part. » Mû pouffa : c’était évidemment impossible de retrouver Dohko, son nom ne suffisait pas à le localiser, même si on ne cherchait qu’en Chine. Avec pas moins d’un milliard d’habitants, ils pouvaient toujours aller se rhabiller. « Et quant à Sion, nous n’avons même pas pensé à entamer des recherches. De toute façon, je ne vois pas comment on aurait pu le trouver. - Sion ? Pourquoi tu parles de Sion ? » Saga évoqua alors tous ces rêves que Mû avait faits, voyant leurs compagnons d’armes dans diverses situations. Il avait notamment aperçu Sion, mais ni Saga ni Kanon n’aurait songé à le trouver. Pour eux, il était bel et bien mort. Enfin, ils n’allaient pas lui cracher dessus, s’il était en vie, c’était tant mieux pour lui. Mû semblait assez pensif quant à ces révélations. Il s’était remis à tripoter les doigts de Saga, tandis que son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Il pensa à Sion, vivant, et aux autres qu’il avait aperçus dans ses songes, sans qu’il ne puisse se souvenir de quoi que ce soit. Deux lèvres chaudes le tirèrent de ses pensées quand elles se posèrent sur les siennes. Il ferma les yeux, savourant ce baiser chaste mais si tendre. Ces lèvres charnues posées contre les siennes, un souffle chaud balayant sa joue, une main perdue dans ses cheveux. C’était comme si le temps s’arrêtait, l’espace de quelques secondes… *** Deux assiettes se posèrent devant eux. Lys lui jeta un regard timide et Kanon ne put que soupirer, acquiesça d’un léger mouvement de tête. Elle se jeta alors sur sa nourriture comme un loup affamé. Il fallait dire que les émotions, ça creusait. Kanon avait moins faim, peut-être parce qu’il ne ressentait pas la même euphorie que sa patronne. Son petit ami venait de lui annoncer qu’il avait son billet d’avion. Il l’avait déjà acheté avant, mais il avait oublié d’en parler à sa charmante petite amie qui lui avait hurlé qu’il aurait pu le lui dire. Kanon avait grogné qu’elle n’était pas mieux dans le genre, ce que sa patronne avait plus ou moins apprécié. Enfin bref, c’était à présent sûr qu’il montait à Paris, même si ses valises n’étaient pas encore prête. Lys ne lui avait fait aucune réflexion à ce propos, elle préparait toujours les siennes à la dernière minute. Toute contente, elle avait déclaré que ça se fêtait. D’où leur présence dans ce petit restaurant, devant deux assiettes bien pleines. Lys était de joyeuse humeur et elle ne cessait de taquiner Kanon. Ce dernier se détendait, sentant la pression redescendre. Ce genre de soirée était agréable. Cela lui rappelait quand Rhadamanthe était ici, à Paris. Quand ils dînaient en tête à tête. Mine de rien, Rhadamanthe lui manquait. Certes, ils étaient « ensemble », comme on disait de nos jours, mais cette affection que Kanon avait ressentie pour le britannique s’était peu à peu modifiée, au point qu’il se demandait sérieusement s’il n’était pas en train de tomber amoureux. Ce à quoi Saga avait répliqué qu’à force de se comporter comme une midinette en manque d’amour, il allait bien finir par le croire. Kanon ne se rappelait pas s’être autant attaché à quelqu’un. Enfin, pas comme avec Saga, Kiki ou encore Mû. Il s’entendait très bien avec Rhadamanthe. Et leurs corps aussi s’entendaient bien, d’ailleurs… Mais quelque chose le forçait à garder ses distances avec lui, et donc à accepter cette distance qui les séparait. Il n’avait sans doute pas assez confiance en lui, et il se refusait à vivre avec lui. Cette idée même lui donnait des frissons… Il n’avait jamais vécu avec quelqu’un, hormis son frère. Kiki et Mû, aussi, mais c’était différent. Vivre avec Rhadamanthe était quelque chose d’inconcevable… Et pourtant, au fond de lui, il souhaitait qu’il soit là, et non dans son château écossais. Il lui manquait. Immanquablement. Il l’avait pourtant appelé, dans la matinée. Très tôt, comme d’habitude. Kanon aurait pu pester après lui de l’avoir sorti de son sommeil, s’il n’avait pas tant désiré entendre sa voix grave. Une voix grave qu’il rêvait d’entendre encore et encore… « Kanon, tu m’écoutes quand je te parle ? - Non, pas du tout. - Bon, alors je reprends : il faut absolument me trouver un comptable. J’en reviens toujours pas… - Je t’avais dit que Cléron faisait du détournement. T’avais qu’à m’écouter. - Je vais le récupérer, mon argent, crois-moi… - Du calme, pépette. - Pépette ?! - C’est bientôt Noël, ton homme arrive demain et tu vas être couverte de cadeaux. Que demande le peuple ? - Justement, je voulais te dire un truc : je ne veux pas que tu viennes me déranger pendant les fêtes. - C’est donc aussi valable pour toi. » Elle lui tira la langue de façon très mature. Kanon ricana : il prévoyait déjà de débarquer chez elle à l’improviste pour voir la tête de ce fichu bonhomme. Un bonhomme très agréable au téléphone, certes, mais un bonhomme qui, sans le vouloir, lui en avait fait baver avec ses futurs beaux-parents. Il trouverait un motif, n’importe lequel. Il demanderait même à Kiki de lui en trouver un, il avait plus d’un tour dans son sac, ce gosse. *** Kiki avait le nez collé sur le cadran de sa montre, comptant chaque seconde en espérant de tout son petit cœur de surdoué que les minutes passent vite. Mais il fallait croire que l’horloge n’était pas avec lui, l’aiguille tournait de façon terriblement lente à son goût. Anthony, près de lui, pouffa et lui souffla que ce n’était pas en regardant sa montre que les minutes allaient passer plus vite, mais Kiki persévérait, étant sûr que l’aiguille aurait pitié de lui, et irait donc plus vite. Valentine lui glissa que, si sa montre était d’accord pour aller plus vite, ce ne serait sans doute pas le cas de celle de l’école. Kiki gémit en la traitant de « briseuse d’espoirs ». « Oh, Mr Galanis ! What do you… » Sans même attendre que son professeur ait fini sa question, Kiki fit part de son avis à propos de cette image ridicule montrant deux élèves dans une animalerie. Le professeur tenta de trouver une faille dans son anglais mais elle ne put se résoudre à corriger quoi que ce soit : il avait au moins le niveau d’un élève de troisième. Quand il eut fini sa tirade, il replongea son nez sur sa montre, ce qui mit son professeur en rogne. Les autres élèves pouffèrent en le voyant regarder obstinément sa jolie montre. Allez, encore deux minutes et dix secondes, et il pouvait enfin s’enfuir hors de cette école. Kanon avait promis de faire des crêpes, en plus ! Ce qui n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, en particulier pour Valentine et Anthony… Le gong sonna et tous les élèves de la classe poussèrent un cri de joie, tout en rangeant activement leurs affaires. Kiki fut l’un des premiers à se ruer hors de la salle, tenant fermement la main de Valentine et le bras d’Anthony. Ils se précipitèrent hors du collège, en adressant à peine quelques « au revoir » à leurs camarades. Pendant ce temps-là, Kanon était en train de touiller sa pâte qui avait reposé un certain temps. Saga était en train de sortir tout l’attirail, à savoir confiture, sucre, miel et Nutella, sous le regard halluciné de Mû. Il avait déjà été très troublé en voyant Kanon entrer comme un fou dans la maison et se précipiter dans le cagibi, au risque de faire tomber son frère qui tenait un plateau avec le thé. Saga s’était contenté de hausser les épaules en précisant vaguement que Kanon allait faire des crêpes. Mû ne voyait pas vraiment le rapport entre les crêpes et la précipitation de Kanon : la farine et le lait n’allaient pas s’envoler… Mû aimait bien ce genre de pâtisserie et il fut plus qu’amusé en voyant Kanon sortir les poêles et le beurre, prêt à faire sauter les crêpes. Quand il pensait au dangereux Dragon des mers, puissant marina de Poséidon… L’image était complètement brisée quand il le voyait manier avec dextérité des poêles pour faire sauter les crêpes… Il préféra cependant garder sa réflexion pour lui, c’était tout aussi étrange de voir Saga passer l’aspirateur… Ils entendirent plus qu’ils ne virent les enfants entrer. Ils les entendirent retirer leurs chaussures avec grâce, pendre leurs manteaux, puis se précipiter sous les aboiements joyeux de Sayuri dans la cuisine. Anthony, Valentine et Kiki embrassèrent les trois adultes puis dévorèrent les crêpes déjà faites, les barbouillant de confiture ou de chocolat, voire même les deux. Mû plissa le nez devant les mélanges douteux de Kiki, tout comme Valentine qui, comme Saga, préféra mettre un peu de confiture de fraise. Anthony abusa sur le miel et saupoudra d’une belle couche de sucre. Mû leva les yeux au ciel, alors que les jumeaux pouffaient : il y en avait pour tous les goûts… « Kiki, tu en as mangé combien ? - Heu… Trois ? » Saga lui demanda de se calmer un peu. Le nombre de crêpes ne lui faisait pas spécialement peur, mais ce qu’il mettait dedans était déjà plus flippant. Mû se permit un commentaire. « Kiki, tu es sûr que la pèche, la fraise et le miel… - C’est trop bon ! Tu veux goûter ?? » Mû secoua énergiquement la tête, Saga et Kanon éclatèrent de rire. Kanon fut le seul à bien vouloir goûter, mais vu la grimace qu’il fit, mieux valait ne pas s’y risquer. Son seul commentaire avait été : « A gerber ». Cela voulait tout dire… Donc, Kiki eut beau proposer sa mixture à ses petits camarades, aucun ne voulut se lancer : même par amour, Valentine n’aurait jamais goûté un truc pareil, et Anthony était trop jeune pour mourir. L’enfant haussa donc les épaules et dévora sa crêpe. *** Il devait avouer que l’écriture de Saga était agréable. Mû aimait beaucoup lire, mais il n’avait jamais su écrire : il avait toujours trouvé ses écrits trop froids, ce que Sion n’avait jamais hésité à lui dire. Il ne transmettait pas suffisamment ses émotions dans les mots qu’il posait sur le papier. Saga, au contraire, vous transportait dans son monde, au fil des lignes et des mots assemblés les uns derrière les autres. Il était difficile de s’arrêter quand on était pris dans le fil de son histoire : le suspens régnait sur les pages, où s’enchaînaient divers sentiments parfois contradictoires qui se mêlaient en mélange émouvant. Mû se souvint de ce qu’écrivait Sion : des rapports, pour la plupart, mais aussi des romans, des histoires longues qu’il avait vécues dans sa vie. Elle avait été si longue qu’il était arrivé à un point où il avait eu besoin de coucher divers moments de son existence sur le papier, au risque de devenir fou. Il avait eu besoin de laisser quelque chose derrière lui, autre que tous ces rapports. Ainsi, durant ses deux cents ans de vie, il avait rédigé des récits, imaginaires parfois, mais le plus souvent réels, qu’il gardait pour lui. C’était une sorte d’exutoire… Quand il était enfant, Mû lisait les quelques contes que Sion avait écrits et il laissait alors son imagination enfantine vagabonder. Puis, avec les années, il s’était attaqué à tous ces écrits laissés à Jamir, et il avait été surpris de découvrir à quel point la plume de Sion avait pu être acérée. Tantôt, elle était tendre et amoureuse, et ensuite, elle devenait dure, blessante. A vrai dire, ces livres étaient le témoignage de sa vie, de ses souffrances, ses états d’âme. Il avait été choqué en lisant la folie pure dans un de ses recueils. Comment Sion avait-il pu vivre si longtemps sans se donner la mort ? Son amour pour Athéna était-il donc si fort ? Ou était-ce par devoir, parce qu’il ne pouvait pas faire autrement ? « Mû ? Je te dérange ? » Le jeune homme sursauta et fit un sourire à Saga, qui entra dans la chambre. Il referma la porte derrière lui et s’avança vers le lit, en haussant un sourcil quand il vit le titre du roman. Un des premiers qu’il avait publiés. Il se demanda comment Mû avait pu l’attraper mais il se douta que Kiki, serviteur aimable, avait sans doute dû le prendre sur les étagères. « Tu ne me déranges jamais. - Tu aimes ce livre ? - Oui. J’ai juste une impression de déjà-vu… - Normal, tu l’as déjà lu. » Sans comprendre, Mû fronça des sourcils. Puis, son visage s’éclaira et il poussa un soupir. L’être amnésique qu’il avait été l’avait sans doute lu avant lui. Voilà pourquoi, à chaque page qu’il lisait, il avait l’impression d’avoir déjà lu ces lignes. Saga s’assit sur le lit. Il attrapa la main blanche de Mû dans la sienne, caressa sa peau avec son pouce. « Je viens de recevoir un coup de téléphone de mon nouvel éditeur. - Ah oui ? Alors ? - Il a accepté mon roman. » Un sourire éclaira le visage de Mû. Un sourire qui fut effacé sous les lèvres de Saga. Ce dernier souriait doucement : ce n’était même pas une question d’argent, ses livres commençaient à se faire connaître, c’était plutôt parce qu’il était très soigneux et qu’il aimait faire rêver les gens. Lui qui avait eu une vie si horrible avant de renaître, il voulait offrir une autre vision du monde, une échappatoire à ceux qui voulaient fuir pendant quelques instants la réalité de la vie. Ils entendirent Kiki dévaler les escaliers, tout en criant qu’il allait faire du vélo avec ses amis. Saga se leva et ouvrit la porte pour lui dire de se couvrir : il faisait assez froid dehors, la température avoisinant les deux degrés. En somme, ce n’était pas un temps à se balader en tee-shirt. Puis, le grec referma la porte. « Il est bien joyeux, en ce moment. - Noël approche. Il a hâte d’avoir ses cadeaux. - Qu’est-ce que tu lui as offert ? » Saga s’assit à nouveau sur le lit et énuméra les différents cadeaux qui seraient posés devant leur sapin. Il refusa cependant de dire où il les avait cachés : Mû serait bien capable de le dire à Kiki. Le tibétain eut beau lui promettre de se taire, Saga n’avait pas du tout confiance : Kiki avait plus d’un tour dans son sac et, si proche de Noël, il serait prêt à faire chanter son ancien maître. Ne l’avait-il pas déjà fait quand Mû avait voulu attraper un livre ? En échange, le tibétain lui avait dit où se trouvait la Playstation que Saga avait confisquée… « Je ne te dirai rien de tout façon. - Alors je ne t’embrasse plus. - Kiki a une mauvaise influence sur toi. » Mû tira la langue. Saga se pencha vers lui, mais le jeune homme évita ses lèvres. Joueur, le grec, l’attrapa dans ses bras et se mit à le chatouiller. Son rire clair envahit la pièce, alors qu’il le suppliait d’arrêter. A bout de souffle, Mû ne put résister au baiser de son amant et il soupira de bien-être quand sa langue taquine vint rejoindre la sienne. Puis, Saga s’écarta, et il eut un sourire amusé. « Il en est où, ce chantage ? - Je crois que tu peux l’oublier. - C’est bien ce qui me semblait. » Et Saga se remit à le chatouiller, sans que Mû ne puisse s’extraire de ses bras. *** Vingt-quatre décembre. Nous étions le vingt-quatre décembre, date tant attendue de l’année par tous les petits enfants. Car c’était à cette date que le Papa Noël venait déposer des cadeaux au pied du sapin. D’où cette étrange euphorie qui envahissait les maisons. Enfin, on n’avait pas vraiment besoin de croire en lui pour être de bonne humeur, et Kiki en était le meilleur exemple. Il ne savait pas vraiment ce qu’était le Père Noël, ayant été élevé non seulement dans un coin reculé du monde, mais en plus dans un milieu essentiellement bouddhiste. Mû ne pratiquait aucune religion, mais ce n’était pas le cas des habitants des villages entourant Jamir. L’enfant n’avait toujours pas compris pourquoi les petits européens croyaient qu’un bonhomme tout en rouge, et pourquoi rouge d’ailleurs ?, allait venir déposer des cadeaux chez eux. C’était certes une très jolie croyance, comme il en manquait au Sanctuaire ou à Jamir, mais c’était un peu ridicule. Cependant, il n’avait pas été long pour comprendre que Noël rimait avec « gâteaux », « chocolats » et « cadeaux ». Actuellement, Saga était en plein préparatif de son repas, avec Mû installé près de lui dans la cuisine. Kanon, d’assez bonne humeur, avait accepté de faire le ménage en attendant et de préparer leur table. Il avait prévu de faire cela seul, mais c’était sans compter le redoutable Kiki qui, euphorique, avait invité ses deux amis. « Petit papa noël ! Quand tu tomberas du ciel ! Avec pleins de joujoux… N’oublie pas ma jolie basket… » Tout à sa joie de fêter Noël, Kiki s’était mis à chanter des chants de Noël, histoire d’égayer un peu la maison. Et Kanon, homme sérieux en toute circonstance, était écroulé de rire en entendant les absurdités que Kiki leur chantait. « Il est né Ludivine enfant ! Jouez aux bois, résonnez nuisette ! - Kiki !! Tu racontes n’importe quoi !! » Kanon se tenait les côtes, et dans la cuisine, Mû et Saga en faisaient de même. Valentine était au bord de la crise de nerfs, son amoureux massacrait toutes ces belles chansons sans vergogne, alors qu’Anthony chantait aussi en riant. Kiki ne connaissait pas grand-chose en chants traditionnels français et son vocabulaire, bien que varié, ne comportait pas les mots : divin, hautbois et musette. A vrai dire, il connaissait surtout l’air et improvisait les paroles sans la moindre pensée pour les hommes qui s’étaient décarcassés à trouver des paroles simples et poétiques. « Mon beau sapin ! Roi du salon ! Que j’aime tes guirlandes ! » Kanon se laissa tomber sur le canapé, écoutant les improvisations de l’enfant qui se baladait joyeusement dans le salon, poursuivi par la pauvre Valentine qui tentait tant bien que mal de le raisonner. Saga tentait de se reprendre, il n’avait pas le temps de s’amuser, mais le rire de Mû et ses joues rougies l’empêchaient de rester sérieux, et il cédait sans mal au fou rire. Il fallait dire que Kiki était assez imaginatif… « Vive le vent ! Vive le vent ! Vive le vent d’hiver ! Boule de neige et sapin blanc, et bonne année grand-père !! » Oui, décidément, il y avait quelques lacunes dans la culture de Kiki… Mais ça faisait du bien de rire, et Kanon s’en donnait à cœur joie. Au bout d’un moment, Saga dut quand même calmer un peu le jeu. Loin d’être rabat-joie, surtout en cette journée du vingt-quatre décembre, mais il était six heures et demie passées. Les parents de Valentine et Anthony allaient s’inquiéter. Les deux enfants s’en allèrent donc chez eux, l’un en sifflotant les nouvelles chansons de Noël made in Kiki, l’autre en priant pour que ses parents ne se disputent pas. Enfin, Kiki avait fait promettre à Valentine de venir chez eux si jamais il y avait le moindre souci. *** « Saga, tu viens avec moi ? - J’ai des choses à faire. - On ne va pas se coucher à neuf heures, ce soir, et ton repas ne va pas s’envoler. - Mû… » Saga était pourtant résistant aux yeux de chien battu, et Mû le savait pertinemment. Mais il doutait que Saga soit aussi résistant à l’appel d’un bain chaud rempli de mousse avec lui à l’intérieur. Et il fallait croire qu’il avait raison car le grec ne tarda pas à retirer son pull. Mû eut un sourire de victoire alors que les vêtements tombaient sur le sol les uns après les autres, révélant le corps encore musclé de Saga. Sa peau avait certes perdu sa couleur de bronze, mais elle gardait son teint naturellement halé. Ses cheveux bleus tombaient en cassades sur ses épaules, descendant jusqu’à ses omoplates. Kanon les avait un peu plus longs que lui, mais il les avait coupés à une taille plus raisonnable. Mû se laissa glisser en avant et Saga se glissa dans l’eau chaude, juste derrière lui. La baignoire était assez grande pour les contenir tous les deux, à condition qu’ils ne soient pas très éloignés l’un de l’autre. Saga attira donc Mû contre son torse, en oubliant sa propre gêne. Mû poussa un soupir de bien-être, alors que de petits frissons parcouraient sa colonne vertébrale. L’eau chaude teintée de bleue et recouverte de mousse onctueuse les délassa complètement. Comme enfermés dans une bulle de chaleur, Mû et Saga ne prononçaient pas un mot, savourant le moment présent. A croire que les aiguilles du temps s’étaient arrêtées… Saga effleurait le ventre du tibétain qui regardait ses mains, contrastant avec la pâleur de sa peau. Saga ne pouvait le voir, mais ses joues étaient rosées. C’était la première fois qu’ils partageaient un tel moment d’intimité : tous deux étaient nus dans l’eau chaude, collés l’un à l’autre. C’était étrange et enivrant à la fois : Mû n’avait jamais vécu ce genre de moment, et sentir le torse contre son dos, son sexe près de ses fesse, ses jambes autour de lui… Soudain, deux lèvres chaudes et humides se posèrent sur son épaule. Il frissonna, alors que les bras de Saga se resserraient atour de sa taille. Sans rien connaître des pensées de son jeune amant, Saga ne demeurait cependant pas en reste. Lui aussi était travaillé par ses pensées, par ces douces sensations qui l’envahissaient, au contact de ce corps calé contre lui. Il avait envie de toucher ce corps, cette peau pâle et douce, embrasser cette épaule ronde, le creux du cou, la joue rosée qui s’offraient à sa vue. Voir Mû nu, sans aucune trace de blessure et d’amnésie, vivant et bien présent dans le temps, lui donnait envie de le sentir frémir, vivre entre ses bras. Sentir son cœur battre contre sa main, entendre son souffle rapide… Sa main glissa sur sa cuisse. Doucement, si lentement que Mû aurait pu la repousser à n’importe quel moment. Le geste n’avait rien d’érotique, c’était plus une caresse, un effleurement, mais son pouce qui taquinait la peau tendre de l’intérieur de sa cuisse laissait voir d’autres choses… Mû pencha la tête en arrière, lançant un regard trouble à Saga qui cueillit ses lèvres avec tendresse. Toute gêne était mise au placard, ainsi que cette ombre de remords qui lui revint vaguement. Il n’y avait plus que les lèvres de Mû, sa langue dans sa bouche, la chaleur de son baiser et de son corps contre lui. Saga emprisonna sa bouche, le réduisant délicieusement au silence, alors que sa main descendait lentement contre sa cuisse, s’attendant toujours à ce que Mû le repousse. Mais le jeune homme avait posé une de ses mains sur celle plus bronzée de Saga, et l’autre sur le genou de ce dernier. Des frissons d’excitation et d’appréhension lui piquaient la colonne vertébrale, alors qu’il sentait le désir de Saga s’éveiller lentement. Il soupira quand la main taquine de son grec caressa l’intérieur de sa cuisse, et il gémit quand elle effleura son membre. D’un geste mental, Mû chassa toutes les vilaines pensées qui lui vinrent : cet enfermement sans lumière, ces regards et ces mains sur lui. Il chassa les souvenirs de ces mois passés chez cette folle qui l’avait gardé comme un animal. Il ne pensa plus qu’à cette main large qui le touchait et éveillait quelque chose en lui. Quelque chose qu’on appelait le désir, et qui se mouvait en plaisir… Saga libéra sa bouche, et ses lèvres touchèrent sa joue, puis descendirent le long de son cou, embrassant sa peau humide, puis elles s’arrêtèrent au creux de son cou. Mû soupirait, sa respiration commençant déjà à se saccader. L’autre main de Saga venait de remonter son torse, s’arrêtant sur un téton qu’il attrapa entre deux doigts. « Saga… » Un gémissement. Juste un gémissement. Mais la voix de Mû était devenue un peu rauque, et son nom prononcé de façon plaintive lui électrisa les sens. Saga se sentait réagir, à la fois à la voix et au corps frissonnant de Mû emprisonné dans ses bras. Chamboulé, il ne put s’arrêter dans ses caresses, et elles se firent insistantes. Sa main s’attarda sur le désir du tibétain qui se mit à gémir. Il aurait voulu repousser cette main tant il se sentait gêné d’être ainsi caressé. Son corps lui échappait, tout comme ses pensées toutes dirigées vers Saga qui le touchait de façon si experte. Ses gémissements se faisaient plus profonds, à mesure que Saga accentuait ses caresses. Il se mordillait la lèvre en tentant de se contrôler, la langue du grec voyageant sur son épaule, suçant la peau humide. Son corps était en feu, caressé et embrassé de façon si passionnée, les mains chaudes et habiles de Saga envoyant des frissons jouissifs de plaisir dans tout son corps, dont les veines semblaient être parcourues par de la lave en fusion. Mû sentait ces vagues couler dans son corps. Il n’avait jamais ressenti cela, auparavant. Le sexe de Saga était dur contre ses fesses, et cela ajouté à ses caresses accentuait l’excitation de son corps tendu de plaisir. Il n’aurait pas cru pouvoir ressentir autant de plaisir, mais il se trompait. Lourdement. Saga emprisonna ses lèvres en un baiser vertigineux, aspirant sa langue, dévorant ses lèvres. Un doigt timide se fraya un chemin entre ses cuisses et caressa la partie la plus intime de son corps. Saga se gifla pour son audace, il était encore tôt et il n’avait aucunement le droit de toucher cet endroit, mais Mû se contenta de lui lancer un regard brûlant qui finit de le convaincre. C’était une sensation étrange mais pas vraiment douloureuse. A vrai dire, c’était même désagréable, surtout quand le doigt s’enfonça plus loin encore, mais quand il commença à se mouvoir en lui, des vagues de plaisir coulèrent dans ses veines. Enivré, Saga inséra un autre doigt, alors que Mû ondulait contre lui, contre son sexe. Il tremblait, au bord de la jouissance, oubliant la douleur amenée par cette seconde intrusion. Saga était aussi au bord de l’explosion. Un dernier va-et-vient, et Mû se libéra, son cri étouffé par la bouche vorace de Saga qui se sentit jouir à son tour. Il abandonna les lèvres rougies de Mû et respira une goulée d’air frais. Haletant, perdu, Mû tenait de retrouver une respiration convenable. Une sensation de quiétude le foudroya, l’empêchant de faire le moindre mouvement, complètement abandonné contre le grec qui le serrait contre lui. Ils entendirent à peine Kiki leur crier qu’il avait faim. Et encore moins Kanon claquer la porte d’entrée quand il alla promener Sayuri. Il n’y avait plus qu’eux. Et ce sentiment de quiétude si agréable… *** Quand Saga descendit dans le salon, Mû dans ses bras, il crut qu’il allait mourir de honte. Enfin, disons qu’il était certain qu’il allait rougir comme une tomate trop mûre et que Kanon, tel qu’il était, allait le remarquer et lui en faire la remarque, avec maints sous-entendus. Mais il fallait croire que son frère était trop préoccupé par son estomac pour penser à son jumeau et aux rougeurs de son amant. Bien que remis physiquement, ce dernier était toujours troublé. Jamais Mû n’avait expérimenté de telles sensations. Comme tous les garçons, il s’était déjà touché. Il aurait été assez inquiétant s’il ne l’avait jamais fait. Mais être touché par un autre, par une personne que l’on aimait, c’était bien au-delà de ce que l’on pouvait ressentir en solitaire. Enfin, c’était un pas de géant qu’ils venaient de franchir. Et Mû savait qu’il aurait pu être plus grand : Saga était à deux doigts de lui faire vraiment l’amour dans la baignoire, mais c’était sans compter le repas qu’il devait terminer et la fatigue occasionnée par ce genre d’activité. Ils se devaient d’être un minimum en force, et il était hors de question que Kanon leur fasse la moindre remarque. Ils se rincèrent donc, se séchèrent et s’habillèrent convenablement. Puis, Saga déposa son amant sur le canapé et l’embrasa une dernière fois avant de retourner dans la cuisine, en lui lançant un regard brûlant qui fit frémir le tibétain. Kiki lui sauta alors dessus sans aucune grâce, tout à sa joie de fêter Noël. La télévision était allumée, diffusant une émission festive, diffusée surtout pour les personnes seules. Et Mû était loin d’être seul : Kanon, assis dans un fauteuil, engagea la conversation, tandis que Kiki tentait sa chance dans la cuisine pour aider Saga qui lui mit des plateaux dans les mains en espérant qu’il ne fasse rien tomber. Le miracle de Noël voulut que Kiki ne fasse aucune bêtise ce soir-là… Il y eut tout d’abord l’apéritif qui fit office d’entrée. L’ambiance était détendue, à croire qu’ils vivaient ainsi depuis des années, alors que l’arrivée de Mû ne remontait qu’à deux mois à peine. Il avait pourtant trouvé sa place, comme en témoignaient les discussions animées auxquelles il participait. La télévision était allumée, et Kiki regardait les programmes diffusés pour les enfants, les adultes étant trop occupés avec leurs conversations compliquées. Il regardait Astérix et Obélix chez Cléopâtre, un classique d’après Anthony et Valentine : ce dessin animé passait presque à chaque Noël. Kiki regardait donc ce vieux dessin animé en comprenant plus ou moins l’humour des prénoms. Puis, il y eut le repas : dinde farcie aux marrons accompagnée de pommes de terre duchesse et de marron. Autant dire que Kiki, ayant les yeux plus gros que le ventre, s’empiffra de façon plus ou moins élégante, mais les adultes ne se sentaient pas d’humeur à le disputer. Kanon le gourmanda gentiment, tout en savourant le repas préparé par son frère. D’ailleurs, il remarqua que ce dernier avait un comportement assez étrange avec Mû : il lui prenait la main et lui jetait des regards tendres. Mû n’était certes pas en reste, mais Saga demeurait toujours assez discret devant les autres, même devant son frère. Kanon trouva le changement assez agréable. Ça faisait du bien de voir son jumeau aussi serein et en paix avec lui-même. Kanon aurait bien aimé que Rhadamanthe soit là, mais il fêtait Noël avec son père, et apparemment avec le reste de sa famille, ce qui ne l’enchantait guère. Il allait apparemment devoir revoir Eaque et le britannique dut promettre de se comporter raisonnablement avec lui. A la fin de la conversation, Rhadamanthe lui avait glissé qu’il serait là pour le nouvel an : ayan passé Noël en famille, il serait libre le 31 décembre. Ce qui enchanta son amant. Alors qu’ils finissaient leurs assiettes, Kiki ayant déserté la table pour regarder Mickey et la magie de Noël, les adultes dérivèrent sur Lys, qui devait sans doute passer le réveillon avec son amant. Kanon, qui à présent mourait d’envie de connaître cet inconnu qui, sans le vouloir, lui avait causé pas mal de soucis, préparait déjà un plan d’attaque pour pénétrer dans l’antre du dragon bourré d’hormones qu’était Lys Taylor, sans se faire rôtir à la broche. En somme, il lui fallait un motif en béton pour pouvoir entrer sans se faire éviscérer. Après avoir énuméré les raisons les plus farfelues, ils débarrassèrent la table. Kiki était tout excité et il jouait avec Sayuri qui battait de la queue. Mû fut déposé sur le canapé et l’enfant lui sauta dessus, vite suivi de la chienne, et il se retrouva envahi par l’enfant qui le chatouilla tandis que Sayuri tentait tant bien que mal de lui lécher la figure. Les jumeaux éclatèrent de rire en voyant la scène. Il était assez tard, et Sayuri leur tournait autour, leur faisant comprendre subtilement qu’elle avait besoin de sortir. Kanon mit donc ses chaussures et Kiki en fit de même, et ils sortirent hors de la maison avec la chienne. Quand la porte fut refermée, Saga commença son marathon : il monta à l’étage, sortit tous les cadeaux de leurs cachettes et les descendit dans le salon. Mû le regarda faire en riant : Saga énumérait les différents endroits où il avait caché tout ça, à savoir son armoire, sous son lit, l’armoire de Kanon qui regorgeait de choses diverses et variées… Ensuite, il mit Mû dans son siège et ils allèrent dans la cuisine, le temps que Kiki rentre. En fait, Saga avait mis des paquets partout, et le pauvre Mû n’avait plus d’endroit où s’asseoir. Quand la porte s’ouvrit à nouveau et que Kiki entra dans le salon, il poussa un cri de joie. Un cri qui réveilla quelque chose dans le cœur des adultes : c’était un cri d’enfant, d’émerveillement. Un cri franc et innocent, qui venait du cœur. Le genre de son qu’ils n’avaient eux-mêmes jamais prononcé. Avec un sourire attendri, un verre de champagne à la main, ils regardèrent Kiki séparer consciencieusement les paquets par prénom. Evidemment, il y en avait plus pour lui. Il demanda s’il pouvait ouvrir les cadeaux, puis il déchira le papier. Malgré eux, Mû, Saga et Kanon le regardèrent faire, sans pouvoir détacher leurs yeux de son visage souriant. Noël n’était pas une fête qu’ils avaient l’habitude de célébrer. A vrai dire, ce n’était qu’un évènement commercial qui visait à vendre des cadeaux. Mais rien n’était plus beau que le visage émerveillé d’un enfant qui ouvre ses paquets. Kiki était ce qu’ils n’avaient jamais été : un enfant heureux qui découvrait les joies de l’enfance. Et c’était sans doute pour cela que les jumeaux l’avaient gardé avec eux, autrefois, pourquoi ils avaient essayé de subvenir à ses besoins, et pourquoi l’atlante avant eux l’avait recueilli : ils voulaient effacer de leur mémoire les visages malheureux des orphelins du Sanctuaire, et leurs propres déceptions… Quand Kiki eut fini de tout ouvrir, il embrassa les adultes, avant de s’asseoir sur les genoux de Mû tandis qu’il ouvrait son cadeau. Il venait de Saga, et la chaîne dorée ornée d’un pendentif lui fit extrêmement plaisir. Il regretta de n’avoir rien à lui offrir en retour. Plus tard, quand ils seraient seuls tous les deux, Saga lui glisserait tendrement que le plus cadeau qu’il pourrait lui offrir, c’était son amour. Le reste de la soirée fut très calme. Kanon sortit Sayuri, qui leur tournait autour en faisant comprendre subtilement qu’elle avait besoin de sortir. Quand il revint, Kiki était blotti contre Mû allongé sur le canapé. Le grec sortit la bûche tandis que son jumeau prenait assiettes et cuillères. Les yeux gourmands de l’enfant se posèrent sur la pâtisserie, et il se redressa, laissant Saga réveiller son amant, puis le prendre dans ses bras et le déposer sur une chaise. Kiki s’installa sur ses genoux. Saga protesta. Kanon éclata de rire. La soirée se termina donc par la découpe et la dégustation de la bûche de Noël, et un dernier verre de champagne. *** Chapitre suivant ici. ;) Si vous souhaitez laisser un commentaire, c'est ici :
[Web Creator] [LMSOFT]