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''Souviens-toi'' by Ludi
Chapitre 4
(suite)
Des ailes devaient avoir poussé dans son dos. C’est comme s’il volait, par de-là les terres, par de-là les mers… Son corps était léger comme une plume flottant dans les airs agités qui poussent les nuages vers les continents, où ils déversent leur pluie bienfaitrice. D’ailleurs, il a l’impression d’être mouillé, de l’eau chaude dégouline le long de son front.
Le rêve cessa. Les douces images qui peuplaient son esprit semblent s’effacer peu à peu à l’approche du réveil, mais même une fois ses yeux ouverts, elles demeuraient dans un coin de sa tête, pour réapparaître et l’emporter loin de cet endroit. Il ne le connaissait pas, c’était une terre inconnue. Et il ne cherchait pas à savoir de quoi il en retournait.
Il était amorphe. Il sentait, en lui, que c’était le brouillard, ses pensées se mêlaient pour ne former que du coton blanchâtre. Un gros nœud qui lui était impossible de démêler. Ses efforts étaient vains, perdus d’avance, alors il continuait d’errer, entre la vie et la mort, entre l’éveil et le sommeil. Seul. Comme toujours.
Parfois, il sentait une main se poser sur lui. Une main grande et chaude. Cette main, d’ailleurs, lui retire quelque chose du front, mais l’eau reste. Et il a chaud. Il a un peu soif, aussi. Mais sa bouche reste close, ses yeux ouverts, même s’il ne voit rien. Son esprit refuse de voir. Et les images reviennent. Inlassablement.
***
D’un coup d’œil, le grec regarda la pendule accrochée au mur de la cuisine. Il n’était pas loin d’être neuf heures du soir. Kanon poussa un soupir et se leva de la table. Alors qu’il traversait le couloir pour atteindre les escaliers, il songea que Saga n’était toujours pas rentré et ça commençait à l’inquiéter. Son frère l’avait prévenu qu’il rentrerait tard, car après avoir remis son manuscrit à son éditeur, ce dernier l’avait kidnappé avec d’autres collègues pour l’emmener dîner au restaurant.
Un sourire moqueur apparut sur ses lèvres. Ce n’était pas vraiment le genre de Saga de traîner aussi tard dans des restaurants avec des gens qu’il connaissait à peine. S’il devait dîner en ville, c’était avec son frère, Lys ou encore Ludivine, mais sinon, il préférait largement rester chez lui. Surtout qu’il ne faisait pas très chaud en ce moment, le temps se refroidissait sérieusement et les jumeaux n’avaient jamais été très résistants au froid. C’était ça d’être né dans un pays comme la Grèce.
Kanon entra dans la chambre de Kiki. Ce dernier, allongé devant la télévision, semblait visiblement concentré sur un jeu de Playstation. Le grec haussa un sourcil, étonné.
« Depuis quand les jeux de voitures t’intéressent ?
- C’est le jeu d’Anthony. J’avais oublié de l’essayer, j’aime pas du tout.
- Tu vas pouvoir t’arrêter, alors. C’est l’heure de se coucher.
- Il rentre quand, Saga ?
- Va savoir. Il est entouré d’admirateurs, là. »
Kiki éclata de rire, puis se redressa. Pendant quelques minutes, ils se moquèrent gentiment du grec, l’imaginant assis à une table bruyante, s’ennuyant comme un rat mort, mais participant un minimum à la conversation par politesse. Ils le voyaient déjà rentrer, épuisé comme s’il avait fait le marathon de Paris.
Mais il était l’heure de se coucher, la rentrée avait lieu le lendemain. Kiki se leva donc pour arrêter le jeu et éteindre la télévision. Kanon sentit son portable vibrer dans sa poche. Il prit l’appel, un des employés de son employeuse. Pendant ce temps, Kiki partit dans la salle de bain se brosser les dents. Quand il revint, l’ancien chevalier était dans le couloir, prêt à descendre. Il lui fit un signe pour lui dire « bonne nuit », puis il descendit au rez-de-chaussée.
L’enfant allait rejoindre sa chambre, quand il eut une envie subite de voir Mû. Il hésitait à y aller, d’habitude. Saga ne l’en empêchait pas, au contraire, mais il avait du mal à regarder son Maître si pâle, maigre… étranger. Il ne se départait pas de son profond mutisme. À chaque fois qu’il le voyait, il avait envie de pleurer.
Pourtant, un petit espoir mûrit dans son cœur battant. À grandes enjambées, Kiki partit vers la chambre de Saga, non éloignée de la sienne, puis entra discrètement dans la pièce sombre. Il alluma la lampe de chevet, sur un meuble près du grand lit, et put voir le visage serein et fermé de l’ex chevalier du Bélier.
Mû dormait. Ses longs cheveux mauves s’étalaient sur l’oreiller blanc et son corps était visible sous les couvertures du lit. Il était beau, son maître. Vraiment beau. Kiki eut un sourire. Il se dit qu’il aurait presque pu croire que tout était comme avant, et s’il n’avait pas su que le tibétain était malade, il lui aurait sauté dessus pour le réveiller. Voir ses yeux s’ouvrir. La surprise, puis l’énervement, et enfin l’amusement dans ses yeux.
Le voir vivant…
***
Il va s’endormir. C’est sûr, il va s’endormir. Kiki n’est pas vraiment fatigué, il a passé une bonne nuit, même s’il avait du mal à se lever ce matin-là. Disons plutôt que les exercices de mathématiques étaient tellement faciles qu’il était à moitié en train de roupiller sur son bureau. Si sa prof n’était pas un dragon, il aurait bien piqué un somme, surtout qu’il était au fond de la classe. Anthony, à côté de lui, avait déjà un peu plus de mal.
En se retenant de soupirer, Kiki lui expliqua rapidement la règle, sous le regard admiratif de son ami. Ils avaient presque le même âge, et pourtant, Kiki était plus intelligent que lui, ce qui était bien pratique mais c’était parfois un peu gênant, il avait l’impression d’être très bête, son ami avait tellement de facilités…
« Comment tu fais pour tout comprendre aussi vite ?
- J’avais un bon professeur. »
Kiki lui sourit, puis attrapa discrètement une feuille blanche sur laquelle il se mit à gribouiller. À contrecœur, Anthony continua ses exercices. Mme Cally passa dans les rangs pour voir si ses élèves arrivaient à faire leur travail. En passant devant Kiki, elle se mit derrière lui pour le corriger, espérant secrètement qu’il fasse une faute, ce qui ne fut pas le cas. Déçue, elle repartit. Kiki et Anthony lui tirèrent la langue de façon très mature.
Puis, la cloche sonna. Ce fut la délivrance pour les élèves qui s’enfuirent sans demander leur reste vers la cours de récréation. Rapide comme une fusée, Kiki se rua dehors, attendant à peine Anthony et Valentine qui courraient derrière. La cour en vieux goudron était au centre des bâtiments plutôt anciens. À peine sortis, Anthony avoua à Kiki qu’il se sentait un peu inférieur à lui à cause de son intelligence, ce qui surprit l’enfant, et l’énerva presque. Il ne manquait plus que ça, tiens ! Il rassura son ami, lui assurant qu’il n’avait aucun mérite.
Et, dans un sens, c’était vrai. Mais Kiki pouvait-il leur avouer que, autrefois, il était destiné à devenir un chevalier au service d’Athéna afin de protéger la Terre contre ses ennemis ? Ses amis le prendraient pour un fou, ou alors ils exigeraient des preuves, mais l’ancien apprenti ne pouvait leur en fournir. Il aurait bien voulu, pourtant, car cette intelligence, il ne la devait qu’à son cosmos qui avait développé ses sens et à Mû, son professeur.
Valentine, qui redoublait sa sixième, partit sur un autre sujet, qui était l’interrogation d’anglais que leur professeur allait leur rendre. Leur note ne devait pas être bien basse, ils avaient bien appris leur vocabulaire, mais ils n’avaient pas compris toutes les phrases où les mots devaient être replacés. Bien sûr, Kiki allait avoir la note maximum, il parlait la langue couramment. Une fois de plus, le collégien voulut leur dire qu’il n’avait pas de mérite, tous les chevaliers devaient parler l’anglais, la langue internationale, en plus du grec, la langue du Sanctuaire.
La récréation fut trop courte à leur goût. Ils remontèrent vite en classe. Ils regagnèrent leurs places, attendirent l’accord de leur professeur pour s’asseoir puis se laissèrent tomber sur leurs chaises. Kiki se dit qu’il allait moins rigoler, c’était cours de français. Valentine, assise juste devant, lui lança un regard moqueur, tout comme Anthony. Ils connaissaient ses difficultés dans l’écriture dans la langue, et même parfois dans les mots. Kiki parlait avec un très léger accent, grec apparemment.
Le cours commença, et bientôt, Kiki fut à moitié largué. Leur professeur leur faisait étudier le subjonctif, un temps qu’il voyait déjà d’un mauvais œil. Au bout d’une demi-heure, il tournait de l’œil, sous les regards amusés de ses camarades. Sa prof se moqua de lui, il se retint de lui lancer une bonne insulte de chez lui. Bon, d’accord, il avait des difficultés, pas besoin d’en rajouter !
Le cours suivant fut bien plus tranquille. En effet, Mrs Taylor leur rendit leurs interrogations, d’une facilité déconcertante pour Kiki mais plus ardue pour Valentine, assise devant lui. Anthony aimait bien l’anglais, mais la jeune fille avait tout juste la moyenne. Ses notes n’étaient pas très élevées, mais elles avaient bien augmenté grâce à son redoublement. Et à ses deux amis qu’elle s’était faite cette année.
À la fin du cours, ce fut l’heure du repas. Les collégiens montrèrent leurs carnets et purent sortir du collège. En dix minutes, ils furent devant chez Valentine. Elle sonna chez elle, mais personne n’ouvrit. Elle insista un peu, mais vit bien que sa mère n’était pas là. Elle jeta un regard désolé à Kiki, et continua son chemin avec eux. Une fois de plus, elle allait devoir manger chez Kiki, si elle ne voulait pas sauter un repas. Anthony avait été invité, comme cela arrivait fréquemment à cause du travail de sa maman. Cinq minutes plus tard, ils furent au pavillon.
Les enfants retirèrent manteaux et chaussures, puis montèrent à l’étage, saluant discrètement Saga en pleine conversation téléphonique. Ce dernier se dit qu’il ne s’habituerait jamais à avoir des gosses chez lui. Enfin, c’était les amis de Kiki, et deux bouches à nourrir au lieu d’une, c’était du pareil au même, vu ce que lui-même mangeait… D’ailleurs, il songea que la gamine ne devait pas venir aujourd’hui, mais bon, il n’allait pas chipoter là-dessus.
À peine quelques minutes plus tard, Saga les appela pour mettre la table. Il entendit des mammouths courir dans le couloir, puis descendre les escaliers à toute vitesse avec une grâce toute particulière, avant d’arriver dans la cuisine, puis s’activer à poser les assiettes et les couverts. Saga sortit de la cuisine, sinon il allait en étrangler un, vu comme ils manipulaient avec grâce ces assiettes si fragiles qui pourraient se fracasser en mille morceaux sur le sol au moindre faux mouvement. En attendant, les spaghettis à la bolognaise embaumaient la pièce.
Saga revint pour les servir, maudissant ce foutu téléphone qui n’arrêtait pas de sonner. Soit c’était son éditeur enthousiaste qui lui disait que tel ou tel passage était parfait, soit c’était Kanon qui lui demandait si sa pochette vert clair était bien dans son armoire et à quelle heure le rendez-vous était fixé. Corinne aussi l'avait appelé, en coup de vent, pour lui dire qu’elle comptait passer quelques jours à Paris avec son fiancé en décembre. Enfin, là, c’était Rhadamanthe qui avait besoin de se plaindre quand soudain il se mit à hurler sur son père parce qu’il venait de se casser la figure dans les escaliers.
Les gens sont fous, soupira intérieurement le grec. Il ne manquait plus que Ludivine l’appelle pour lui parler un peu de son handicapé et du terrifiant homme d’affaires, ou que Lys le supplie de venir la chercher dans Paris pour l’amener à l’autre bout de la capitale. Il revint dans la cuisine où les collégiens mangeaient avec appétit.
« Alors cette rentrée ? Pas trop dur.
- Ça va.
- Trop dur. »
Valentine secoua la tête d’un air fataliste, les garçons éclatèrent de rire. Saga haussa un sourcil.
« On a repris hier et c’est déjà trop dur. J’ai à peine eu la moyenne en anglais !
- Mais tu as eu la moyenne.
- Je suis nulle en anglais. Je suis nulle partout, de toute façon.
- Si tu dis ça, tu ne peux pas réussir. L’anglais, ça s’apprend au fur et à mesure du temps, tu ne pas vas pas parler une langue en un claquement de doigt.
- Vous savez bien parler vous, non ?
- Plutôt, oui.
- Tu parles mieux que moi. »
Saga eut envie de lui répondre qu’il était plus âgé et ses anciennes fonctions l’y avaient forcé, mais il ne pouvait parler de cela devant les deux enfants. Il se contenta de lui lancer un regard entendu qui fit sourire Kiki. Anthony était en totale admiration devant Saga qu’il trouvait très impressionnant, mais également très gentil. Kiki avait de la chance d’avoir un tuteur comme lui. Valentine, par contre, se renfrogna un peu.
« J’ai redoublé, mais je suis pas meilleure qu’avant.
- Deux points dans la moyenne, ce n’est pas négligeable. Pourquoi tu ne viens pas travailler le week-end ?
- Mais elle veut pas !
- Je veux pas déranger !
- C’est trop bête, les filles.
- Les garçons, c’est pas mieux ! »
Saga leva les yeux au ciel. Une bonne dispute d’amoureux, il voyait déjà ce que cela allait donner plus tard. Le grec dit à la jeune fille qu’elle pouvait venir quand elle en avait le besoin, ce n’était pas elle qui allait les gêner. Actuellement, son monde se réduisait à sa chambre et la cuisine, voire la salle de bain, mais il garda ça pour lui-même.
Le repas fini, les enfants débarrassèrent et s’activèrent à faire la vaisselle et à tout ranger. Saga aurait voulu s’en occuper, mais les collégiens y mettaient tellement de bonne volonté… Il préféra quitter la cuisine, ayant trop peur de voir une de ses assiettes mourir tragiquement sur le sol carrelé de la pièce.
***
« Saga, je ne rigole pas.
- Mais moi non plus.
- Arrête, je sais que tu te fous de ma tête ! Je te vois sourire comme un imbécile ! »
Saga avait branché le son, et il n’était plus le seul à profiter de l’appel de Ludivine. Kiki, debout à côté de lui, se retenait d’éclater de rire. Kanon entra dans le salon et haussa un sourcil en se demandant ce qu’il se passait.
« Je ne souris pas, c’est Kiki qui le fait.
- T’as mis le son ?
- Oui.
- Ah bah vu comme ça… »
Ils l’entendirent soupirer à l’autre bout du fil.
« Bref. Sérieux, j’en peux plus de cette gosse…
- Ludi…
- Mais quelle idée de descendre les escaliers à toute vitesse ! On est au XXIe siècle, ça existe, les ascenseurs ! »
Saga pensa brièvement à Rhadamanthe et à sa hantise de ces « cages à oiseaux ».
« Résultat, après m’avoir fait une superbe gastro, elle s’est pété la jambe. Et elle a pas l’air conne avec son gros plâtre de deux tonnes ! Tu la verrais se déplacer, j’étais écroulée de rire.
- Tu devais moins rire quand il a fallu la laver.
- M’en parle pas, mon malade est un poids plume à côté, tu verrais ! »
S’asseyant sur le canapé, Kanon leva les yeux en ciel en disant « mais quelle famille de barges », ce qui fut bien sûr entendu par la blonde.
« Il nous grogne quoi, le Kanon ?
- Famille de barges.
- Il verrait papa le dimanche devant son rugby pendant qu’il prépare ses crêpes et ses bugnes, c’est quelque chose. Je le filmerai, un jour.
- Il fait les deux ???
- Et ouais, Kiki ! Pendant qu’il fait sauter ses crêpes, tu l’entends gueuler parce que les joueurs jouent comme des merdes, puis il saute partout quand son équipe a gagné. Sinon, il fait une tête de dix pieds de longs.
- Et ton handicapé, comment il va ?
- Bien. Pourquoi il irait mal ? Un vrai feignant, il veut pas aller en rééducation. Remarque, il en sort épuisé. Complètement lessivé.
- Et Médicis ?
- Pas méchant mais chiant… Il fout les jetons, ce gars-là ! Je ne pourrais pas dormir chez lui, moi, je le supporterais pas longtemps ! Il prend même pas de nouvelles, il vient et il repart. Et il est jamais content, en plus. Il est pas méchant, mais quand on le chauffe un peu, pas il s’excite tout seul. Tu verrais ses yeux, on dirait des flingues.
- Tu t’es foutue dans une sacrée merde, blondasse !
- Mais c’est clair ! J’aime bien l’handicapé, mais le Patron, c’est autre chose… Sympa le matin et sur les nerfs le soir. Parfois, il est sur les nerfs même le matin, me demande comment Aurélia peut le supporter… »
Saga prit encore quelques nouvelles de la sœur de la blonde, qui allait plutôt bien si on oubliait ce boulet qu’on lui avait cimenté à la jambe. Puis, ils dérivèrent sur le nouveau roman de Saga. Kanon, Kiki et Ludivine rirent aux éclats des déboires du pauvre Saga, qui s’était retrouvé kidnappé par un troupeau d’hommes bourrés qui ne voulaient pas le laisser rentrer chez lui. Mercredi, il était rentré tard chez lui, ne pouvant se débarrasser de son éditeur qui voulait continuer à faire la fête dans un bar. Fête de quoi ? Saga ne le savait pas et il voulait rentrer chez lui.
Ludivine avoua s’être laissée avoir un jour par ce type jovial qui n’hésitait pas à l’inviter à dîner, de façon même un peu trop insistante, mais elle avait les amours de sa vie qui l’attendaient chez elle, à savoir sa chienne et son ordinateur. Elle s’était faite avoir, un soir, mais cela avait bien été le seul. Elle n’aimait pas l’alcool et on avait essayé de la faire boire, mais n’aimant pas du tout cette boisson qui lui montait directement dans le crâne, la blonde s’était battue bec et ongles contre eux.
Finalement, Ludivine raccrocha, avait faim et sa chienne lui faisait les yeux doux pour aller se promener. Tirant son frère dans la cuisine, Saga mit aussi la main à la pâte pour préparer le dîner. Kanon n’était pas un mordu de la cuisine, il avait même horreur de ça, mais il ne pouvait dire non à son jumeau, très persuasif quand il le voulait.
Une fois le repas prêt, ils mangèrent tous les trois à table, discutant de tout, aussi bien des affaires actuelles de Kanon et Lys que de la rentrée de Kiki, qui dormait déjà à moitié à certains cours. L’anglais et les maths étaient des somnifères, c’était épuisant de les écouter parler. Il préférait la science, il n’y connaissait pas grand-chose alors c’était déjà plus intéressant. L’enfant n’avait pas la science infuse, mais quand on est bon en maths et qu’on parle l’anglais couramment, ces cours n’étaient pas forcément intéressants.
Le week-end était fini, il reprenait les cours à huit heures, mais il était content, le premier cours était celui de Technologie, vite suivi, à son plus grand bonheur, d’un passionnant cours d’anglais. Kanon était toujours amusé par le langage de l’enfant, sa façon de parler de l’école. Une institution où il n’avait jamais mis les pieds. Enfin, il n’était pas plus bête qu’un autre, et il avait quand même réussi. À trente ans, il était l’adjoint d’une des plus grandes femmes d’affaires du monde, ce n’était quand même pas rien.
À la fin du repas, Saga prépara une assiette pour Mû qu’il posa sur un plateau avec de l’eau et deux couverts, puis monta à l’étage, laissant les deux autres s’occuper de la vaisselle, tâche ménagère que Kanon exécrait. Ce n’était pas la seule, d’ailleurs.
La chambre de Saga était sombre, presque plongée dans le noir si une seule et unique lampe ne brillait pas près du lit, sur la table de chevet. Il savait que Mû n’aurait pas fait de grande différence si elle avait été éteinte, mais il estimait que le jeune homme n’était pas un objet, et qu’à sa place, il aurait préféré ne pas être plongé dans le noir alors qu’il était éveillé.
Doucement, Saga posa le plateau sur les jambes allongées du tibétain, tout en lui parlant, comme à son habitude. Un monologue que lui seul semblait entendre, mais Saga ne se lassait pas. Peut-être que Mû l’entendait. Il avait entendu dire qu’il fallait parler aux gens dans le coma, cela pouvait les ramener, et Saga y croyait. Quand on se sentait attendu, on avait plus envie de revenir que si on était seul.
Saga plaça versa un verre d’eau et leva les yeux vers Mû, un sourire sur les lèvres. Un sourire qui disparut d’un coup.
Mû le regardait. Pas comme si Saga s’était bien placé de façon à être devant lui. Mû le regardait, la tête légèrement tournée sur le côté. Son visage n’exprimait aucun sentiment, son regard ne s’animait d’aucune flamme. Mais il le regardait. En silence.
Puis, il baissa les yeux vers l’assiette, et commença à manger. Saga ne dit rien, comme s’il avait peur de briser ce moment, comme s’il avait peur que ce ne soit qu’un rêve.
Sans un mot, Mû posa ses couverts, son assiette vidée. Et il replongea dans son mutisme. Mais Saga n’en fut pas déçu. Il savait qu’il n’avait pas rêvé. Il en était heureux.
***
Chapitre suivant ici. :)
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